21 Juillet 2008 : vers un nouvel équilibre des pouvoirs ?

Une réforme constitutionnelle au Château de Versailles.


La convocation du Parlement en Congrès est la 16ème de la Vème République, en ce 21 Juillet 2008 ; elle correspond à la 24ème révision constitutionnelle.


par Jean-François Durantin, Chercheur
17 Aout 2008 16:22

L’ampleur du remaniement du texte de la Constitution de la Vème République est considérable : 38 articles sur 92 sont proposés à la modification des 506 parlementaires que comptent l’Assemblée Nationale et le Sénat.
La révision à la majorité des 3/5 des membres du Parlement est adoptée par 2 voix de majorité. Seuls quelques sénateurs de l’Union Centriste se sont abstenus et de très rares députés UMP.

Le vote de cette révision s’est effectué sous le signe de la bipolarisation, les partisans du Président Sarkozy ayant voté oui et ses adversaires, essentiellement socialistes, ayant voté non, ces derniers estimant notamment que le mode d’élection du Sénat aurait dû être profondément modifié.

Compte tenu des propositions de la commission Balladur, on peut se demander s’il y a une véritable substitution de l’influence du Parlement au lieu et place de celle de l’exécutif et si les droits du citoyen connaissent une réelle embellie au sein du système politique.

Dans la réalité, la révision du 21 Juillet 2008 se caractérise par le maintien de l’omnipotence présidentielle, quelques droits nouveaux pour le Parlement, des droits quelques peu accrus pour le citoyen.

Le maintien de l’omnipotence présidentielle se manifeste à trois égards : la persistance de la dyarchie au sommet de l’Etat, l’affaiblissement du rôle du Premier Ministre, le refus d’établir un vrai régime présidentiel comme aux Etats-Unis d’Amérique.

La dyarchie persiste : le Président de la République demeure le chef de la majorité présidentielle et le Premier Ministre, responsable devant l’Assemblée Nationale est apparemment le chef de la majorité parlementaire.

Cependant la superposition de la majorité présidentielle et de la majorité parlementaire découle de l’existence du quinquennat ainsi que de la succession de la séquence élections présidentielles – élections législatives.

Dorénavant, le Premier Ministre n’est plus que le coordinateur de l’action et donc le chef d’état-major du Président de la République, même s’il est amené à maintenir sous sa férule les différentes composantes de l’UMP.

De plus, la révision ne fait qu’affaiblir davantage le Premier Ministre au profit du responsable du groupe majoritaire à l’Assemblée Nationale.

Ainsi en va –t-il du partage de l’ordre du jour entre Gouvernement et Parlement : de la sorte, l’influence du leader du groupe UMP est augmentée au sein de la conférence des présidents et celle du Premier Ministre diminuée. Ainsi en va-t-il également du contrôle des nominations présidentielles qui ne requiert qu’occasionnellement l’avis facultatif du Premier Ministre, mais exige celui obligatoire des 2/3 des membres de chaque commission où sont prépondérants les parlementaires de l’UMP.

Enfin, le refus d’établir un régime présidentiel où serait assurée la séparation des pouvoirs entre exécutif et législatif empêche le Parlement français de posséder les redoutables pouvoirs du Congrès américain dans l’ordre du contrôle et dans le domaine législatif. Depuis la proposition de loi de 1964 due à André Coste-Floret, jamais une réflexion approfondie n’a été menée sur ce point.

Pour le citoyen, la révision du 21 Juillet 2008 lui offre des droits accrus qui sont de deux ordres : la saisine constitutionnelle, le référendum d’initiative populaire.

En revanche, l’absence de droits nouveaux caractérise les immigrés installés et travaillant sur notre territoire.
La saisine du juge constitutionnel est une réminiscence d’un projet proposé par la gauche, sous le second septennat de François Mitterrand. Il s’agit d’un début de contrôle par voie d’exception qui est la règle aux Etats Unis d’Amérique.

Le référendum d’initiative populaire est quant à lui très encadré dans sa pratique = la volonté d’un dixième des citoyens qui demandent une révision constitutionnelle est conditionnée par la nécessaire approbation de 2/10 des membres du Parlement, ce qui limite les effets des initiatives populaires.

L’absence de droits nouveaux caractérise les immigrés, citoyens de deuxième ordre dotés de davantage de devoirs que de droits. A cet égard, il est toujours impossible pour un immigré, résidant en France depuis plus de 5 ans, d’être électeur, pis encore d’être élu dans le cadre des élections municipales.
(c) Michaël Biche - Fotolia

En résumé, des avancées ponctuelles concernent quelques droits nouveaux accordés au Parlement et de rares progressions concédées au citoyen dans le système politique de la Vème République : voici à quoi aboutit la modernisation des institutions, telle qu’elle ressort de la révision du 21 Juillet 2008.

Une absence de grand projet découle des propositions de la Commission Balladur et de leurs modifications ultérieures par l’exécutif. De la sorte, cette prolifération de petites réformes n’induit nullement un nouvel équilibre des pouvoirs.

La révision du 21 Juillet 2008 est une occasion manquée : à la crispation politique de la droite au pouvoir - le débauchage, lors du vote final, d’une douzaine de parlementaires – répond la crispation politique de l’opposition de gauche - l’insatisfaction liée au résultat ayant créé des querelles regrettables au sein du groupe parlementaire PS à l’Assemblée Nationale.



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