C'est une gageure que se sont donné les auteurs de cet essai, car quel hommage rendre à un poète qui nous a touchés sinon de se faire l'écho de sa voix, tenter de faire aimer son discours et reconnaître la valeur de son œuvre.
La poétique de Nicolas Dieterle "Souffle et couleur". Écrire, c'est marteler le temps à petits coups précis, patients, amoureux, pour y dessiner une figure invisible à nos yeux de chair.
La gageure cependant vient de ce que Nicolas Dieterlé, atypique et peu connu sinon inconnu, peintre en poésie, poète en peinture, inscrivit sa création dans une difficile recherche intérieure, choisissant avec une grande rigueur ses formes d'expression, les travaillant avec foi et détermination, sans suivre de modèle, ni favoriser de technique ou d'école.
C'est ce qui rend unique la beauté de son travail, par ailleurs inclassable. Il s'agissait moins pour nous de présenter quelques textes ou peintures de Nicolas Dieterlé, que de proposer aux lecteurs les réflexions et les émotions qu'ils ont soulevées en nous et aussi en ceux qui ont croisé son chemin de poésie. Simplement, en proposant ces réflexions, nous aimerions devenir passeurs d'une expérience poétique, spirituelle et intellectuelle hors du commun.
Cette image de l'oiseau, constante dans l'œuvre, se retrouve dès le premier fragment de La pierre et l'oiseau : Au fond de moi, j'ai l'impression d'être immobile, d'une immobilité suspendue, magique, à la façon dont un oiseau planant très haut dans les airs nous semble immobile, à nous qui le regardons depuis la terre.
Un autre thème, tout aussi récurrent est celui du rêve. L'influence du romantisme allemand est ici clairement perceptible, de Novalis à Jean-Paul même si le caractère autobiographique reste toujours évident.
En témoigne, par exemple, le dernier fragment de Ici pépie le cœur de l'oiseau mouche : on m’avait désigné pour une mission exceptionnelle. Je devais partir explorer l’espace grouillant d’étoiles en compagnie d’une jeune amie qui m’était chère. J’étais fier d’une telle distinction : rares étaient ceux qui étaient élus pour une tâche aussi héroïque. J’en étais aussi étonné : je me considérais comme trop peu fiable, trop peu confiant en moi, trop peu armé aussi, trop démuni intérieurement, pour affronter les dangers inhérents à cette entreprise. Et si j’échouais lamentablement ? C’était ma grande crainte inavouée. Je cachais cette peur à mon entourage, à mon amie même. L’angoisse n’en était que plus forte, plus venimeuse.
La poésie de Nicolas Dieterlé est attention au chant d’un oiseau invisible, immobile, planant, mais cette attention n'est pas vaine. Elle engage tout l'être, elle comporte un enjeu vital: Le service de la poésie et celui de l'âme impliquent mon indépendance par rapport à toute confession religieuse, toute profession, tout embrigadement que ce soit. Car le poète, le serviteur de l'âme, est essentiellement un sauvage, un hors-la loi. Dans la droite ligne de Novalis, Nicolas Dieterlé place la poésie au-dessus de tout mode de connaissance : Poésie : puits de silence où luit, tout au fond, l’eau immobile et fériée du Verbe Qu’est-ce que la poésie ? Une manière de contourner le monde pour voir, derrière, le Monde.
Le peintre : Nicolas Dieterlé a laissé également une importante œuvre picturale. L'étrange est présent dans chacune de ses compositions, pleines de souvenirs intimes et de symboles indéchiffrables. Comme dans l'œuvre écrite, nombreux sont les dessins et les peintures de Nicolas Dieterlé qui se réfèrent explicitement au monde du rêve, à la fois incompréhensible et prégnant. Lectures - Débats - Signatures