Affaire Benalla : le syndicat de la police nationale écrit à Emmanuel Macron

Une lettre ouverte envoyée via le site de l'Elysée.


Le syndicat de la police nationale au Ministère de l'Intérieur, le VIGI (ou VIGIMI), s'adresse au Chef de l'Etat pour la deuxième fois en un an.


30 Juillet 2018 02:00

Malaise dans la Police Nationale

Manifestation contre la loi Travail du 9 avril 2016. Policiers de la compagnie d'intervention. Photo prise sur le boulevard Beaumarchais © Jules 78120 sous CC BY-SA 4.0
Dans une lettre postée directement sur le site internet de l'Elysée, le secrétaire général du syndicat de la police nationale au Ministère de l'Intérieur n'y va pas par quatre chemins. Avec trois exemples, au lendemain du discours prononcé à la Maison de l'Amérique Latine devant les parlementaires de La République En Marche, il explique au président de la République « qu'on ne peut pas faire l'enfant » alors que le nombre des « attaques en service et hors services » dont sont victimes les policiers a augmenté depuis quelques mois.
 
« La vidéo montrant vos deux collaborateurs, Messieurs BENALLA et CRASE, vous l’avez laissé tourner pendant plus de deux mois avec la mention « violences policières » (...) « la Police Nationale n’a commis aucune violence. C’est d’autant plus grave, que par votre silence, vous avez mis en danger la vie de tous les policiers. En effet ces vidéos servent d’excuses à des délinquants et des criminels pour nous attaquer en service, mais de plus en plus hors service ces derniers mois (...)
 
Est-ce faire respecter en notre sein les règles, que de sanctionner Monsieur BENALLA à 15 jours d’exclusion de fonction ? Nous sommes dans « le fait du prince » sauf à comprendre que demain, n’importe qui peut agresser son voisin, s’il est déguisé en policier, s’il accepte de perdre 15 jours de salaire (...)
 
En disant « qu’ils viennent me chercher », êtes vous conscient de votre provocation et qu’une fois de plus on va devoir assurer votre sécurité, car de nombreuses personnes vous ont pris au mot. Si vous étiez sincère, pourriez-vous donner le lieu où passer vous chercher ? »

Le secrétaire général du syndicat de la police nationale au ministère de l'Intérieur

​Alexandre Langlois, 35 ans, est en activité dans la branche du Renseignement. Originaire du Chesnay dans les Yvelines (78), jouxtant Marnes-la-Coquette dans les Hauts-de-Seine (92), ce policier de taille moyenne et aux yeux verts est plutôt dans l'introspection ; les mondanités, ce n'est pas son truc. Il aime observer attentivement son environnement et il analyse méthodiquement ce qui l'entoure. De nature plutôt confiante, il sait où il va et il est apprécié pour son esprit calme, posé et réaliste. 

Au secrétariat général du syndicat de la police nationale au Ministère de l'Intérieur, Alexandre Langlois défend « une vision d’ensemble des professions des personnels du Ministère de l’Intérieur et de la Police Nationale, tous corps confondus »« se refusant à faire le jeu de l’administration qui divise pour mieux régner » et qui « oppose les personnels entre eux ».

Il expérimente également le terrain politique lors des élections législatives en juin 2017 : candidat pour la France Insoumise dans le 3e circonscription des Yvelines, il est éliminé au premier tour en réunissant sur son nom et celui de sa suppléante 5,71 % des votes exprimés, soit 2 621 voix.

Pour certains, « ça n'a pas grand intérêt, mais c'est bien de le savoir »
 

La lettre du 25 juillet envoyée au président

Monsieur le Président de la République,

Vous avez déclaré hier soir : « On ne peut pas être chef que par beau temps et s’y soustraire quand le temps est difficile. S’ils veulent un responsable il est devant vous. »

Monsieur le Président de la République êtes-vous conscient que vous mobilisiez depuis une semaine la Justice, la Police Nationale, l’Assemblée Nationale et le Sénat, qui cherchent à connaître les responsables dans cette affaire, alors que c’est tout simplement vous ?

Vous nous parlez de faire des économies, mais connaissez-vous le coût de tous ces efforts déployés pour connaître la vérité ?

A moins que vous soyez tellement déconnecté de la réalité pour croire que dans la Police Nationale nous avons tous des voitures comme celles de Messieurs BENALLA et CRASE et que nous ne manquons de rien.

Par ailleurs, si vous êtes le seul responsable, vous nous avez menti à nous policiers, Monsieur le Président de la République. Lors de votre discours aux forces de la sécurité intérieure en octobre 2017, non devant les policiers de terrains à Lyon, mais devant des institutionnels à l’Elysée, vous avez déclaré : « Mesdames et Messieurs, vous me trouverez toujours à̀ vos côtés lorsque (…) allégations mensongères vous cibleront, parce que vous avez fait le choix de servir vos concitoyens, de porter l’uniforme, et de servir la loi républicaine avec engagement et détermination. »

La vidéo montrant vos deux collaborateurs, Messieurs BENALLA et CRASE, vous l’avez laissé tourner pendant plus de deux mois avec la mention « violences policières ». Pourtant c’est une allégation mensongère, la Police Nationale n’a commis aucune violence. C’est d’autant plus grave, que par votre silence, vous avez mis en danger la vie de tous les policiers. En effet ces vidéos servent d’excuses à des délinquants et des criminels pour nous attaquer en service, mais de plus en plus hors service ces derniers mois.

Vous aviez poursuivi dans votre discours de fin 2017 : « Il faut également – et c'est notre défi – lutter contre les comportements ou les agissements qui pourraient ternir votre image. »

Il semble que le défi s’arrête quand c’est un de vos proches collaborateurs. Nous tenons à vous rappeler que pour nous la police doit défendre les institutions de la République, même si depuis 2014 Monsieur VALLS a remplacé la notion de République par « intérêts nationaux », et que malgré notre alerte à ce sujet vous avez fait le choix de conserver la nouvelle formulation. Il est toujours plus facile de légaliser que de légitimer une dérive autoritaire du régime. D’ailleurs, sur ce point Monsieur COLLOMB parlait d’un « doux despotisme », vous-même de la « sortie de l’état de droit » et Madame GOURAULT de la mise en place de polices privées devant l’Assemblée Nationale. Finalement, la mise en application de police privée armée, qui fait régner la Loi d’un doux despote après la disparition de l’état de droit, ne séduit pas le peuple.

Toujours en ce mois d’octobre 2017 vous aviez conclu qu’à « chaque moment où il y a, sur ce point une faiblesse, elle doit faire l’objet d’une sanction. Parce que s’il n’y a pas de sanction, c’est l'affaiblissement collectif ! C'est l'acceptation collective du fait que là aussi, il n'y a pas de réponse à une forme d'infraction. Et c'est l'affaiblissement collectif du fait que nous ne savons pas faire, en notre sein, respecter nos propres règles ! »

Dans l’affaire, dont vous assumez la responsabilité, vous n’avez pas saisi Monsieur le Procureur de la République, conformément au code de procédure pénale, vous substituant de fait à la Justice, ce qui est une très grave atteinte à la séparation des pouvoirs.

Est-ce faire respecter en notre sein les règles, que de sanctionner Monsieur BENALLA à 15 jours d’exclusion de fonction ?

Nous sommes dans « le fait du prince » sauf à comprendre que demain, n’importe qui peut agresser son voisin, s’il est déguisé en policier, s’il accepte de perdre 15 jours de salaire.

Dans cette dernière hypothèse, est-ce que cette jurisprudence s’applique au commun des mortels ou en plus d’être déguisé il faut faire partie de vos amis ?

Vous avez poursuivi hier soir devant vos amis : « qu’ils viennent le chercher. »

Êtes vous conscient de votre provocation et qu’une fois de plus on va devoir assurer votre sécurité, car de nombreuses personnes vous ont pris au mot.  Si vous étiez sincère, pourriez-vous donner le lieu où passer vous chercher ?

A moins que ce n’est été qu’une déclaration crane d’un enfant turbulant, qui joue au Président de la République ? Sauf que Monsieur à ce niveau de responsabilité on ne peut pas faire l’enfant.

« Et ce responsable il répond au peuple français, au peuple souverain. »

Il y a une incohérence avec ce discours, car durant vos déplacements officiels, vous demandez à la Police Nationale de vous protéger du peuple. Dernier exemple en date, plutôt que fêter la victoire des bleus sur les Champs Elysée avec le peuple, vous avez préféré, une réception privée au palais.

« Chacun assume ses responsabilités. J’assume les miennes de là où je suis. »

Vous dites assumer vos responsabilités, mais cela fait une semaine que vous vous cachez. Sans les révélations de la presse, ce délit serait resté caché sous le tapis.

Par ailleurs, vous savez parfaitement qu’un Président de la République en fonction n’a pas à répondre de ses actes.

Comment comptez-vous dans ce cas assumer votre responsabilité ?

Qui vont être les fusibles qui vont sauter pour vous protéger ? Des personnes partant bientôt à la retraite ?

Monsieur le Président de la République nous devons déjà accepter de travailler pour un pays dont les élus représentants du peuple ont voté de pouvoir avoir un casier judiciaire, alors qu’on nous demande, à juste titre, d’être irréprochable. Aujourd’hui nous constatons que vous Monsieur le Président de la République avez un service de sécurité privé et qu’il est mieux équipé, mieux payé et mieux logé, que nous « simples flics. »

Nous vous avions écrit il y a un an pour vous faire part du malaise dans la Police Nationale. Depuis le nombre d’agression de nos collègues a explosé, les suicides toujours aussi nombreux et le manque de moyens aussi criant. Sauf votre protection que vous avez doublé discrètement fin 2017.

Nous avions demandé à vous rencontrer, mais vous aviez préféré recevoir RIHANNA, qui a pris rendez-vous par un tweet, ainsi BONO. « The show must go on. »

Nous vous nous renouvelons une demande d’audience auprès de votre autorité pour faire lumière sur cette affaire d’Etat pour éviter que la traduction qu’aucun fusible ne doit sauter, soit une simple une réorganisation au sein du palais de l’Elysée en septembre. A minima nous aimerions une réponse écrite à nos questions. On parle d’une affaire pénale quand même.

En l’attente d’une réponse de votre part, je vous prie de croire, Monsieur le Président de la République, à l’expression de mes sentiments les meilleurs.


Alexandre LANGLOIS
Secrétaire Général.

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Journaliste tahitienne. Formations universitaires modestes, en droit, en sciences sociales… En savoir plus sur cet auteur
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