Netflix veut séduire un tiers des foyers français d’ici 5 à 10 ans
Reed Hastings, PDG de Netflix, est clair sur ses ambitions. Il veut calquer le succès que rencontre sa société Outre-Atlantique sur le territoire français. Dans moins de deux semaines, le géant de la SVOD lancera son service dans l’Hexagone. « L'objectif, partout où nous nous implantons, est d'arriver à séduire globalement un tiers des foyers d'ici cinq à dix ans », a déclaré il y a quelques jours Reed Hastings au Figaro. Pour l’Américain, ce taux correspond au seuil de rentabilité du site dans chaque pays. Mais qu’est-ce-qui se cache derrière tous ces effets d’annonces ? Vendu entre 7, 99 euros et 11, 99 euros, Netflix permettra aux abonnés français d’accéder quand bon leur semblera à un catalogue riche de plus de 100 000 films et séries. L’entreprise qui était au départ une simple société de location de DVDS est devenue en quelques années le numéro un du streaming par abonnement. Netflix s’est rapidement imposé en s’invitant dans le quotidien de millions de foyers, friands de pouvoir regarder ce qu’ils veulent quand ils le veulent.
Cette arrivée sur le sol français a certes des allures de blockbuster très attendu mais ne manque cependant pas de faire grincer quelques dents, jusqu’aux hautes sphères du gouvernement. Netflix génère un tel chiffre d’affaires que son irruption dans nos maisons est scrutée et étudiée sous tous les angles pour au final être attaquée sur les faiblesses de son scénario. Première mise en cause : sa localisation. Situé au Luxembourg, le siège de Netflix va très prochainement s’installer à Amsterdam. Cet emplacement n’a rien d’anodin puisqu’il va permettre à la société d’éviter le poids de la fiscalité française et de ne pas se plier à l’obligation de participer au financement de la création audiovisuelle en vigueur sur le territoire. La société américaine va ainsi pouvoir se soustraire également au quota de diffusion d’œuvres françaises appliqué dans l’Hexagone, situation qui fait encore économiser de l’argent à la firme de Reed Hastings.
Cependant, au pays de l’exception culturelle il ne fait pas bon vouloir s’incruster et semer le trouble dans le paysage audiovisuel sans être pénalisé. Lorsqu’elle était encore ministre de la Culture, Aurélie Filippetti avait alors envisagé de raccourcir le délai de disponibilité des films en vidéo à la demande par abonnement après leur sortie en salle et les faire passer de 36 à 24 mois. Une année de gagnée donc mais uniquement pour ceux qui investiraient « au moins 3 % du chiffre d'affaires » dans le financement de la production d'œuvres cinématographiques française. Cette mesure serait donc une manière de privilégier les entreprises du pays au détriment de l’Américain.
De Numericable à Canal+, la concurrence française attend Netflix de pied ferme
Si le gouvernement voit l’apparition du Netflix dans les foyers français d’un mauvais œil, les amateurs de VOD peuvent lui dire merci. L’arrivée du service pourvu par la société américaine a déclenché une vague de réactions auprès des grands opérateurs télécom et des médias, qui vont tous proposer une offre visant à déjouer l’emprise de ce roi du divertissement sur le streaming français. La concurrence a ça de bon qu’elle pousse les acteurs du marché à être davantage compétitifs en termes de qualité de service, de tarifs et le consommateur d’en être le premier ravi.
Premier à sortir l’artillerie lourde, Numericable. Selon un article paru dans le JDD, la société dirigée par Patrick Drahi préparerait sa riposte à l’envahisseur, projet qui porterait pour le moment le nom de code Séries-flix. Cette nouvelle plateforme qui devrait être lancée un peu avant Netflix, va puiser dans le catalogue actuel de Numericable pour proposer une offre solide qui se concentrera sur le segment séries, segment qui libérera l’entreprise des contraintes liées à la diffusion des films pour focaliser toute sa stratégie dans l’acquisition de nouveautés et fournir à ses abonnés des exclusivités. De plus, privilégier les séries permettra à l’entreprise d’attaquer Netflix sur son fonds de commerce et de briller par comparaison. Le catalogue de son homologue américain est certes riche de nombreux titres mais il sent quelque peu le renfermé tant il a pour habitude de trouver son contenu dans les vieux cartons du cinéma hollywoodien.
Mais les prétendants au titre du roi de la VOD made in France ne se bornent pas simplement à Numericable et à l’empire de Reed Hastings. Quelques autres sont en lice pour briguer la couronne, dont Canal+ via sa plateforme CanalPlay. À un tarif équivalent à celui de Netflix (7,99€), le service propose un large choix de 1 700 films ainsi que 4 400 épisodes de séries dont 24 heures chrono ou la série dont raffole les jeunes filles Violetta. On peut nommer également Jook Vidéo, lancé par le groupe AB, FilmoTV qui référence quant à lui uniquement des films (500 par mois) ou encore Orange qui est sur le point de sortir un procédé qui prendrait la forme d’une clé HDMI/WiFi similaire au Chromecast de Google. Orange devrait utiliser Orange Cinéma Séries (OCS) pour consolider son offre et l’enrichir de films et de séries en tous genres.
Netflix a réalisé l’année dernière plus de 8 % de son chiffre d’affaires en Europe, soit 294 millions d’euros. Avant même son lancement en France, ses activités européennes dépassent de loin les résultats de la VOD française qui s’élèvent à 217 millions d’euros. Afin de pouvoir financer son développement sur notre continent et notamment dans l’Hexagone, la société de Reed Hastings a levé 400 millions d’euros. Des chiffres qui montrent l’ambition de l’Américain à vouloir confirmer son statut de leader international de la VOD. C’est sans compter sur l’énergie et la force de frappe de nos acteurs nationaux qui sont prêts à faire vaciller ce géant en puissance en menant une concurrence féroce mais efficace.