Paris, au même titre que Lyon et Marseille, s’organise en arrondissements : au plus près des citoyens et de leurs bassins de vie. Pourtant, l’exécutif parisien – Conseil d’arrondissement et Conseil de Paris génère un fonctionnement hypercentralisé. Cette dichotomie s’exprime concrètement avec un système électoral de proximité et une « incapacité » dans chaque arrondissement à mener une action publique localisée correspondant aux desideratas de son électorat. Par conséquent, les prérogatives des adjoints aux Maires d’arrondissement sur leurs délégations restent liminaires dans un système décisionnel très centralisé et très descendant. Dès lors, la distance induite par les différentes instances (Conseil d’arrondissement et Conseil de Paris) ne privilégie pas l’implication des citoyens dans une démarche démocratique permanente. Comment pourraient-ils alors contribuer aux décisions publiques ? Le Conseil d’arrondissement, instance élue par les habitants, n’est pas un lieu de discussion permettant aux administrés de s’exprimer sur les décisions et propositions de leurs élus. Des dispositifs et outils de démocratie participative, tels que les conseils de quartiers, ont perdu totalement de leurs légitimités par manque de vitalité, d’intérêt, de renouvellement et d’implication. Quant au budget participatif, les projets proposés et ses votes associés, se révèlent être le miroir des conseils de quartiers : les propositions n’émanent principalement que des personnes initiées, par un microcosme que les politiques nomment « la vie locale ». Comment rendre vivace, représentatif et utile les outils de notre système démocratique dans la perspective des prochaines municipales ? “N’ayez pas peur !” Pour paraphraser cette affirmation bien connue, il ne faut plus s’interdire d’écouter réellement et régulièrement la parole et les idées de ses concitoyens. Ceci dans une démarche « bottom up » honnête et non plus dans une démarche double de confortation et/ou communication des projets. Pour faire un parallèle avec les usagers et les patients en santé : utiliser l’expérientiel comme levier d’amélioration de nos politiques publiques et de légitimité de l’action publique comme les instances de régulation portées par les usagers par exemple. Le Conseil d’arrondissement qui apparait comme le lieu de démocratie privilégié doit donc retrouver toute sa légitimité et offrir la possibilité aux habitants d’y exposer leurs visions. Pour cela, le Conseil d’arrondissement doit s’ouvrir à une audience plus large en permettant, par exemple, que les sujets intéressant de manière directe les habitants soient exprimés en début de séance : ainsi les vœux des différents groupes seraient exposés en début de conseil et non plus à la fin de la séance. En outre, les élus de l’opposition doivent pouvoir aussi bénéficier de moyens leurs permettant au sein du Conseil d’arrondissement d’appréhender les discussions techniques avec sérieux. De plus, les séquences du Conseil d’arrondissement dédiées aux sujets d’actualités doivent, à l’avenir, donner l’opportunité aux habitants d’exprimer leurs attentes et leurs réflexions, à l’ensemble des élus. Permettre également aux associations et autres instances de quartier de proposer des vœux serait un levier complémentaire d’engagement des citoyens. Impliquer d’autre part les personnes travaillant sur Paris, comme les actifs n’y habitant pas, est un moyen supplémentaire de légitimer cette action publique. Pour cela, refondre les conseils de quartiers par zone de vie avec l’implication non seulement des habitants mais aussi, des commerçants, des étudiants, des structures médico-sociales, etc. et non plus basé sur une « dynamique endogame » serait un levier de dynamisation démocratique. Afin de réaliser cette inclusion, l’information doit être diffusée largement par différents canaux : classiques (journal de l’arrondissement, affichages officiels, réseaux sociaux etc.) et plus innovants. L’habitant éclairé pourra finalement exercer pleinement sa compétence de citoyen. Réintroduire les administrés dans le processus décisionnel permettra ainsi par retentissement de recréer du lien solidaire entre les habitants. Et aux élus de confronter leurs propositions programmatiques à l’aune des évolutions sociétales et environnementales. Effectivement, prétendre qu’un programme immobilier imaginé il y a plus de 10 ans est toujours pertinent semble plus qu’une aberration, une erreur ! Nous proposons donc six actions concrètes pour impulser une nouvelle démocratie locale. Au sein du Conseil d’arrondissement : • Dédier une séquence à la prise de parole par les citoyens. • Donner la possibilité aux associations et conseils de quartier d’émettre des propositions de vœux. • Inverser le déroulé de l’ordre du jour afin de faire apparaître les sujets intéressants de manière directe les habitants en début de séance (vœux des groupes, débat d’actualité, projets d’envergures). • Offrir de réels moyens humains aux élus de l’opposition. Au sein des conseils de quartier : • Repenser le découpage administratif des conseils de quartier afin qu’ils correspondent à des zones de concentration de lieux de vie des habitants. • Impliquer l’ensemble des acteurs du quartier et non pas seulement ceux qui y résident (associatifs, commerçants, étudiants etc.). Mais tout ceci n’a de pertinence que sous l’impulsion d’un édile de proximité capable d’empathie, de confiance envers ces adjoints, d’une écoute active auprès de ses concitoyens et de remise en question régulière de son action auprès de ses administrés. La concertation et l’évaluation régulière des projets menés doivent être systématiques et guider l’action des élus dans une démarche continue de dialogue avec la population. Qu’un·e élu·e puisse s’emparer de la question de l’évaluation, ante et post, de tous les projets municipaux pourrait être souhaitable. C’est ainsi qu’une ville intelligente, solidaire et résiliente peut se construire à l’avenir. Tribune de Brahim Bouselmi (Président du club Res Publica et auteur du livre : le vote a-t-il encore un avenir ? Ed Ex-Libris) et Louise Espinas (consultante en organisation pour le secteur publique)
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