La girafomania atteint Enghien

Le portrait du gardien de Zarafa vendu aux enchères le 23 novembre 2014.


Mehmet Ali, vice-roi d'Egypte d'origine albanaise, offre en 1827 en cadeau diplomatique une girafe qui vivra au Jardin des Plantes et choisit deux hommes de confiance pour veiller sur elle.


28 Novembre 2014 18:51

Un lot suscite la curiosité et rappelle la girafomania, qui s'est emparée au XIXe Siècle, des Français après l'arrivée de Zarafa et son installation au Jardin des Plantes dans le 5e arrondissement de Paris. Et c'est un beau résultat pour l'étude de commissaires-priseurs Goxe-Belaïsch dimanche 23 novembre 2014 à Enghien dans le Val d'Oise (95) qui a su convaincre les amateurs de l'intérêt du tableau. Adjugé 9.000 €, prix marteau, c'est-à-dire frais d'enchères en sus, le tableau était estimé seulement entre 3.000 € à 4.000 €.
Tableau attribué à Alexandre François CAMINADE 1783-1862 Portrait présumé d'Hassan gardien de la girafe Zarafa © Goxe Bellaïsch.

Un peintre s'intéresse au gardien de la girafe

Le tableau est attribué à Alexandre-François CAMINADE (1783 - 1862). Il représente le portrait présumé de Hassan, l'un des deux gardiens de la girafe Zarafa (1) : Huile sur toile. 55 x 46 cm - Annotée en bas à gauche : Août 1827 - Accidents et restaurations anciennes. Sans cadre.

C'est très probablement à l'occasion de l'arrivée de la girafe offerte à Charles X par le vice-roi d'Egypte, Mehmet Ali, en 1827, que ce portrait fut exécuté. En effet, Mehmet Ali cherchait à se concilier les bonnes grâces de la France après son implication dans la révolte grecque.

Sur les conseils de Bernardino Drovetti, diplomate français, un de ses proches conseillers, il décida d'envoyer comme cadeau diplomatique une girafe. Pour veiller sur cet animal délicat, ils choisirent deux hommes de confiance, Atir, un Soudanais, et Hassan, responsable des écuries de Drovetti, qui, en 1823, avait également eu pour mission de livrer en cadeau de Mehmet Ali une girafe à Mahmud II, Sultan de l'Empire Ottoman de 1808 à 1839.

600 000 visiteurs pour " Zarafa, la belle des tropiques"

La girafe, débarquée à Marseille le 23 octobre 1826, y passa l'hiver. C'est au mois de mai suivant que la "belle enfant des tropiques" entreprit le voyage jusqu'à Paris, où elle arriva enfin le 30 juin.

L'immense curiosité et l'excitation causée par sa présence se traduisirent par plus de 600 000 visiteurs au cours de l'été 1827.

La girafomania envahit la littérature, la mode, les arts graphiques, s'illustrant aussi bien sur des assiettes que par la création de moules à gaufres spéciaux.

Le portrait du gardien Berbère

Ce portrait représenterait donc Hassan, "le Berbère", qui seul parmi l'équipe affectée à la girafe, était encore présent à Paris en août 1827 et correspondrait au type de ce portrait.

Un dessin daté de septembre 1827, de Théodore Chassériau alors âgé de huit ans, nous montre la girafe encadrée par deux hommes, très vraisemblablement Hassan et Atir. (2)

Il ne peut s'agir ici d'Atir, le soigneur attitré de Zarafa, qui restera au Jardin des Plantes jusqu'à la mort de celle-ci, car il était soudanais.

Quant au troisième homme de la troupe, Youssef, l'interprète égyptien embauché à Marseille par le grand scientifique Saint-Hilaire qui coordonna le voyage jusqu'à Paris, il reçut le 12 juillet, en remerciement, une somme importante qui lui permit de rentrer alors à Marseille.

L'homme du portrait a l'air préoccupé. Est-ce à cause du sort de la girafe, est-ce à cause de son propre sort ou bien encore imagine-t-il que dans près de deux cents années, un commissaire-priseur mettra sa tête à prix et triplera l'estimation initiale pour laquelle on devait pouvoir se payer sa tête ?


(1) Zarafa est le mot arabe désignant une girafe. Le mot français est issu du mot arabe.
(2) 9,1 x 10,8 cm, Paris, musée du Louvre, RF28031-recto-folio 24.

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Journaliste, coordinateur des articles sur l'histoire, culture et politique, ventes aux enchères. En savoir plus sur cet auteur
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