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La visite de Joyce Carol Oates

Huitième Tribune


C'est le jour de l'Indépedance américaine que la romancière américaine présente au Virgin des Champs-Elysées sa dernière oeuvre, plus autobiographique, Journal 1973-1982.


Ghislain Fornier de Violet
6 Juillet 2009 - 10:49
     

A Paris

En cette après-midi de juillet, le flot incessant de touristes circulant sur les Champs-Elysées dans le 8e arrondissement de Paris est loin de se douter que l’imposant édifice du Virgin Megastore accueille lui-même un monument de la littérature américaine contemporaine : l’ultraprolifique Joyce Carol Oates. L’auteure septuagénaire n’est pas venue pour admirer l’architecture haussmannienne ni flâner sur les quais de Seine, mais pour présenter son dernier ouvrage, Journal 1973-1982, et livrer un peu de sa mystérieuse personnalité à ses admirateurs. Ayant atteint les sommets des belles-lettres américaines, c’est tout naturellement que ses fans la retrouvent au sommet du Virgin, installée derrière la tribune prévue à cet effet.
La visite de Joyce Carol Oates

La femme

Pourtant, rien qu’à voir cette apparence discrète, petite chose coincée entre la rédactrice en chef de Lire et une traductrice, on ne pourrait se douter de la force de ses écrits. Oates est une femme simple, sans fard. Quelques rares ornements lui entourent les poignets et les oreilles. Derrière une allure relativement émaciée, on devine néanmoins un certain tonus. Cette grande amatrice de course à pied sait entretenir son corps, tout comme elle entretient son esprit. On la dit également fan de boxe, sport qu’elle ne pratique pas mais sur lequel elle a écrit un livre.
Cherchant d’emblée à explorer la femme plus que l’écrivaine, la journaliste s’étonne de la vie privée visiblement calme et posée de l’auteure, apparemment opposée aux atmosphères parfois dures ou violentes présentes dans ses écrits. Très didactique, celle-ci rappelle que bien souvent, l’artiste n’est pas le matériel de son sujet. « Shakespeare n’avait sans doute rien d’Othello ou de Macbeth. Certains écrivains comme Hemingway, Melville ou Conrad avaient certes des vies très actives, mais ma vie est très paisible » déclare Oates, émaillant son discours des classiques américains et anglais. Cerise sur le gâteau d’une telle érudition, et comme un clin d’œil flatteur à son public, elle conclue en citant Flaubert : « Essayez de vivre comme la bourgeoisie, ce qui vous permettra d’être violent ».
Mais si Oates apparaît pétrie de culture classique, elle est aussi une femme de son temps. Questionnée sur ses lectures d’œuvres contemporaines, elle rappelle son rôle de critique au New York Review of Books, et prend à témoin son journal, qui fait référence à ses lectures. Son amour des lettres se conjugue aussi à une passion pour l’enseignement. Quand on réclame sa réaction face à l’élection de Barack Obama, elle s’inscrit dans la masse de ses supporteurs : « Nous les démocrates, avons été admirablement surpris par sa victoire ». « C’est un homme cultivé qui a remplacé une personne dont les mots me manquent pour le décrire » continue t-elle, recueillant l’approbation amusée du public.

L’écrivaine

S’il est un thème majeur de l’œuvre d’Oates, c’est bien celui de l’identité et de la quête de soi-même. Un sujet qu’elle applique notamment à ses romans policiers, comme elle le rappelle : « J’aime le mystère et le suspense psychologique. J’essaie d’exprimer le point de vue d’un seul personnage, le détective ». Un thème dont elle ne cache pas les liens avec sa propre histoire : « J’ai grandi dans une famille où il y avait des mystères hors de mon champ de conscience. » Faisant ainsi référence à un secret de famille, soit la dissimulation par sa grand-mère de son origine juive. Ce secret constitue d’ailleurs le fil conducteur d’une de ses œuvres, La fille du fossoyeur. « Sa vie n’était qu’une construction » enchaîne t-elle avant de rappeler son livre Blonde, sur la vie de Marylin Monroe, un personnage également construit, selon elle.

Une auteure américaine majeure

Quand viennent les questions du public, un admirateur exprime son étonnement face à des intrigues ancrées dans un environnement récurrent : la côte Est des Etats-Unis. Oates lui rétorque qu’une de ses histoires se déroule à Londres et avoue vouloir connaître davantage Paris pour l’utiliser un jour comme cadre narratif. Loin d’être une faiblesse, cette constance la rapproche en un sens des grands écrivains auxquels sont associés des cadres narratifs de prédilection : le Maine pour Stephen King, Dublin pour James Joyce, comme elle l’ajoute elle-même. Autant de lieux qui renforcent le style propre d’un auteur.
A une jeune femme qui lui avoue mettre en scène une de ses œuvres, elle lui répond avec une ironie amusée que « les meilleurs écrivains-dramaturges sont souvent posthumes », jugeant sans doute cette mise en scène un peu précoce. Elle se dit néanmoins très émue par le projet.
A la question concernant ses auteurs français favoris, Oates préfère enchaîner les grands noms, tels Flaubert, Camus, Sartre, Colette. Pressentant peut-être une certaine carence concernant les auteurs actuels, elle explique la réticence des éditeurs américains à faire traduire les œuvres étrangères. Un fait effectivement préjudiciable à la littérature américaine. Mais, à l’instar du récemment primé Le Clezio, Joyce Carol Oates pourrait, après deux nominations, se voir nobélisée dans un futur proche.
La visite de Joyce Carol Oates






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