Le projet de confier au Louvre la gestion de l'Hôtel de la Marine semble peu sérieux. De son contenu muséal à son financement, le projet reste très flou et n'intègre absolument pas le principe de diversité qui devrait pourtant animer tout projet culturel moderne et responsable.
Membres de la commission de réflexion sur l'avenir de l'Hôtel de le Marine, Christophe Beaux et Bertrand Collomb sont visiblement réservés sur le projet du Louvre. Dans une tribune publiée dans Le Figaro du 17 juillet 2011, ils soulignent que le projet a "l'inconvénient d'une certaine redondance, en dotant Paris d'un espace muséal supplémentaire", alors qu'on s'attendait à un projet plus dynamique et plus ouvert au public, non seulement sur la question de l'accès du lieu, mais aussi de son accessibilité culturelle.
"Les usages récréatifs et pédagogiques doivent cohabiter avec la jouissance esthétique" reconnaissent très réalistement Christophe Beaux et Bertrand Collomb. Mais la démocratisation culturelle ne pourra pas se faire sans une meilleure intégration du public en pariant sur la diversification.
Parmi ces perspectives de diversification, on pense notamment au Grand Palais qui a su conjuguer avec succès expositions temporaires et événements privés. On pense aussi à la Gaïté Lyrique qui mélange les contenus autour des arts numériques. Pour l'Hôtel de la Marine, le projet "La Royale" d'Alexandre Allard et Renaud Donnedieu de Vabres propose d'incorporer les métiers d'art. Rien de tel dans le projet du Louvre, si ce n'est une pâle copie du projet d'Allard et Donnedieu de Vabres.
Trop peu exposés car n'entrant pas dans le label "création artistique", les artisans d'art français auraient cruellement besoin d'un tel lieu afin d'exposer leur création tout en transmettant un savoir-faire ancien. Or le projet d'Allard et Donnedieu de Vabres pour l'Hôtel de la Marine permettait de créer un réseau de diffusion structuré et puissant pour les métiers d'art. Si le projet du Louvre tente de faire bonne figure en proposant d'intégrer des expositions avec le Mobilier national notamment, on sent bien l'absence d'une véritable stratégie de promotion de cette filière.
Quant à son financement, on doute que le Louvre puisse sérieusement assurer les coûts de rénovation de l'Hôtel de la Marine estimés, au bas mot, à 200 millions d'euros. Or face aux contraintes budgétaires qui pèsent sur les finances publiques, le recours à des investisseurs privés semble inévitable, sans que l'inhabilité absolue de l'Hôtel de la Marine ne soit menacée puisqu'il serait loué dans le cadre d'un bail de longue durée.
Pourtant, on a beaucoup reproché au projet d'Alexandre Allard et Renaud Donnedieu de Vabres de n'être qu'une privatisation cachée. Passons outre cette pure campagne de désinformation : il n'a jamais était question de privatisation dans leur projet - simplement une location sur une longue durée - et une telle opération serait de toute façon légalement impossible. Le véritable problème, c'est qu'en recommandant Le Louvre, la commission de réflexion sur l'Hôtel de la Marine a raté une occasion d'assurer un avenir financièrement tenable pour le bâtiment. Il suffit d'ailleurs de lire son communiqué : les enjeux financiers de la gestion de l'Hôtel de la Marine ne sont presque pas abordés.
Quant à ceux qui craignent que le mécénat culturel financé par des investisseurs privés ne se traduise par une consumérisation de la culture, on attend toujours leurs levées de boucliers sur le financement du Louvre par la banque d'investissement américaine Morgan Stanley ou les Émirats arabes unis. Opposer systématiquement la culture et le privé n'a aucun sens, sauf à vouloir rentrer dans le registre d'un élitisme culturel dépassé.
Articles :
- 1er juillet 2011 : La Royale : le projet de fondation pour l'Hôtel de la Marine.
- 26 mai 2011 : Giscard tenté par un PPP pour l'Hôtel de la Marine.
- 6 mai 2011 : Hôtel de la Marine : l'Etat fait une nouvelle volte-face.