Maître François Jacquot, avocat près la Cour d'Appel de Paris © Paris Tribune Archives.
Récemment, l'un d'entre eux se félicitait du classement sans suite d'une enquête préliminaire alors qu'il venait de plaider coupable. "Affaire classée", cela peut laisser penser au lecteur que tout s'est bien terminé pour l'intéressé. Or, techniquement parlant, l'enquête préliminaire est classée parce qu'il n'y plus rien à rechercher, la personne ayant accepté sa culpabilité ainsi que la peine proposée par le Procureur de la République.
En effet, lorsque le Procureur de la République est saisi de faits qui pourraient constituer un délit et qu'il ouvre une enquête préliminaire, le suspect peut lui proposer de plaider coupable. Le Procureur de la République peut également le proposer au suspect. Dans ce cas, si la procédure de plaider coupable aboutit, l'enquête de police est classée en ce qui concerne la personne qui a reconnu sa culpabilité.
Pour en arriver là, une négociation a lieu entre le Procureur de la République et le suspect qui est généralement représenté par un avocat. Lorsqu'ils parviennent à un accord sur la peine, l'affaire est portée devant le Président du Tribunal de Grande instance (ou son juge délégué) devant lequel comparaît le suspect assisté par son avocat (comparution). Cette audience a pour but d'homologuer la proposition du Parquet acceptée par le suspect. Cela équivaut à un jugement de condamnation :
Il n'y a pas de procès correctionnel au sens habituel du terme, aucun débat n'a lieu, aucune plaidoirie n'est effectuée puisque la personne a, par définition, reconnu sa culpabilité et accepté sa peine. Le Président du tribunal peut soit homologuer le plaider coupable, soit le refuser, en rendant une ordonnance.
Ainsi, la bonne nouvelle annoncée au lecteur par l'homme politique dont il est question est que l'enquête préliminaire le concernant a été classée parce qu'il a reconnu sa culpabilité et a été condamné !
Ce qu'il faut bien comprendre est que lorsque le Procureur de la République est saisi d'une affaire, il dispose de nombreux moyens pour la régler. Cela commence en général (mais pas toujours) par une enquête préliminaire qui a pour but de déterminer si des délits ont eu lieu. Parfois, l'enquête débouche directement sur un procès devant le Tribunal correctionnel à l'initiative du Procureur de la République. A d'autres occasions, l'affaire est confiée à un ou plusieurs juges d'instruction en raison de sa trop grande complexité, parce que les suspects n'ont pu être identifiés par les moyens de l'enquête préliminaire, ou lorsque les faits sont de nature criminelle.
Mais le Procureur peut également choisir de classer l'affaire s'il l'estime opportun, ou encore d'avoir recours à un mode alternatif de règlement (médiation etc.). Le plaider coupable est aussi une manière de régler l'affaire.
Comme dans le cas évoqué dans cet article, il arrive que cette proposition de plaider coupable se produise pendant le cours d'une enquête préliminaire. Cela peut aussi se produire au cours d'une instruction préparatoire confiée à un juge d'instruction. Lorsque c'est le cas, l'enquête préliminaire ou l'instruction préparatoire sont de fait suspendues pour ce qui concerne la personne plaidant coupable, en attendant le résultat du plaider coupable.
Mais que se passe-t-il si cette dernière déclare finalement ne pas accepter la ou les peines proposées par le Procureur de la République, ou si le Président du Tribunal de Grande instance refuse d'homologuer le plaider coupable ?
En cas d'enquête préliminaire :
Lorsque l'affaire était à l'instruction préparatoire, cette dernière est reprise à l'encontre de la personne, sans que l'on puisse utiliser les déclarations qu'elle aura faite devant le Parquet :
C'est la loi n°2013-1117 du 6 décembre 2013 qui a réglementé cette hypothèse.
Bien qu'aucun texte ne le prévoit expressément, dans le cas d'une enquête préliminaire en cours, dès lors que la personne a plaidé coupable et que cela a été homologué par le tribunal, l'enquête est classée pour ce qui concerne ce suspect puisqu'il est désormais une personne jugée et condamnée. Pour les mêmes raisons, il n'y a pas lieu non plus de poursuivre l'instruction contre une telle personne.
La procédure de plaider coupable ne cesse de s'élargir depuis la loi n°2004-204 du 9 mars 2004 qui l'a instituée. Elle a été modifiée dans un premier temps, par la loi n°2011-1862 du 13 décembre 2011, pour étendre le plaider coupable à presque tous les délits, à l'exception notamment des "délits d’atteintes volontaires et involontaires à l’intégrité des personnes et d’agressions sexuelles prévus aux articles 222-9 à 222-31-2 du code pénal lorsqu’ils sont punis d’une peine d’emprisonnement d’une durée supérieure à cinq ans" ainsi que des délits en matière de délits de presse (diffamation, injure etc.), des délits d’homicide involontaire, des délits politiques et de délits dont la procédure de poursuite est prévue par une loi spéciale.
Le cas qui a fait grand bruit dans la presse n'entrait pas dans ces exceptions puisque cette personne faisait l'objet d'en enquête pour exhibition sexuelle. Or, l'exhibition sexuelle ne doit pas être confondue avec les agressions sexuelles, infractions pénales qui, elles, ne peuvent faire l'objet d'une procédure de plaider coupable. Le délit est différent :
La loi n°2016-819 du 21 juin 2016 a encore étendu le plaider coupable par le moyen de l'article L.465-3-6 du code monétaire qui donne la possibilité d'y recourir pour les délits boursiers prévus aux articles L 465-1 et s. du Code monétaire et financier.
Et ce n'est pas fini, puisqu'un projet de loi actuellement en cours d'examen prévoit encore de modifier la CRPC.
Voilà donc une procédure qui a un bel avenir devant elle et qui pourrait encore apporter de "bonnes nouvelles" à nos politiciens.
Après tout, ils ont compris que mieux vaut être rapidement condamné que d'être traîné dans les médias durant des années à la faveur d'instructions préparatoires et de procès interminables.
Le plaider coupable présente finalement beaucoup d'avantages.
Il écourte la durée des procédures pénales en répondant au droit à être jugé dans un délai raisonnable.
Cela sanctionne rapidement un comportement délictuel avéré, ce qui permet à la personne de payer sa dette à la société, sans avoir à subir durant des années l'acharnement médiatique qui se produit parfois dans certaines affaires.
François JACQUOT
Avocat au Barreau de Paris.
En effet, lorsque le Procureur de la République est saisi de faits qui pourraient constituer un délit et qu'il ouvre une enquête préliminaire, le suspect peut lui proposer de plaider coupable. Le Procureur de la République peut également le proposer au suspect. Dans ce cas, si la procédure de plaider coupable aboutit, l'enquête de police est classée en ce qui concerne la personne qui a reconnu sa culpabilité.
Pour en arriver là, une négociation a lieu entre le Procureur de la République et le suspect qui est généralement représenté par un avocat. Lorsqu'ils parviennent à un accord sur la peine, l'affaire est portée devant le Président du Tribunal de Grande instance (ou son juge délégué) devant lequel comparaît le suspect assisté par son avocat (comparution). Cette audience a pour but d'homologuer la proposition du Parquet acceptée par le suspect. Cela équivaut à un jugement de condamnation :
"L'ordonnance a les effets d'un jugement de condamnation." (art. 495-11 du code de procédure pénale)
Il n'y a pas de procès correctionnel au sens habituel du terme, aucun débat n'a lieu, aucune plaidoirie n'est effectuée puisque la personne a, par définition, reconnu sa culpabilité et accepté sa peine. Le Président du tribunal peut soit homologuer le plaider coupable, soit le refuser, en rendant une ordonnance.
Ainsi, la bonne nouvelle annoncée au lecteur par l'homme politique dont il est question est que l'enquête préliminaire le concernant a été classée parce qu'il a reconnu sa culpabilité et a été condamné !
Ce qu'il faut bien comprendre est que lorsque le Procureur de la République est saisi d'une affaire, il dispose de nombreux moyens pour la régler. Cela commence en général (mais pas toujours) par une enquête préliminaire qui a pour but de déterminer si des délits ont eu lieu. Parfois, l'enquête débouche directement sur un procès devant le Tribunal correctionnel à l'initiative du Procureur de la République. A d'autres occasions, l'affaire est confiée à un ou plusieurs juges d'instruction en raison de sa trop grande complexité, parce que les suspects n'ont pu être identifiés par les moyens de l'enquête préliminaire, ou lorsque les faits sont de nature criminelle.
Mais le Procureur peut également choisir de classer l'affaire s'il l'estime opportun, ou encore d'avoir recours à un mode alternatif de règlement (médiation etc.). Le plaider coupable est aussi une manière de régler l'affaire.
Comme dans le cas évoqué dans cet article, il arrive que cette proposition de plaider coupable se produise pendant le cours d'une enquête préliminaire. Cela peut aussi se produire au cours d'une instruction préparatoire confiée à un juge d'instruction. Lorsque c'est le cas, l'enquête préliminaire ou l'instruction préparatoire sont de fait suspendues pour ce qui concerne la personne plaidant coupable, en attendant le résultat du plaider coupable.
Mais que se passe-t-il si cette dernière déclare finalement ne pas accepter la ou les peines proposées par le Procureur de la République, ou si le Président du Tribunal de Grande instance refuse d'homologuer le plaider coupable ?
En cas d'enquête préliminaire :
"... le procureur de la République saisit, sauf élément nouveau, le tribunal correctionnel" (art. 495-12 code de procédure pénale).
Lorsque l'affaire était à l'instruction préparatoire, cette dernière est reprise à l'encontre de la personne, sans que l'on puisse utiliser les déclarations qu'elle aura faite devant le Parquet :
"... le procès-verbal ne peut être transmis à la juridiction d'instruction ou de jugement, et ni le ministère public ni les parties ne peuvent faire état devant cette juridiction des déclarations faites ou des documents remis au cours de la procédure". (art 495-14 du code de procédure pénale)
C'est la loi n°2013-1117 du 6 décembre 2013 qui a réglementé cette hypothèse.
Bien qu'aucun texte ne le prévoit expressément, dans le cas d'une enquête préliminaire en cours, dès lors que la personne a plaidé coupable et que cela a été homologué par le tribunal, l'enquête est classée pour ce qui concerne ce suspect puisqu'il est désormais une personne jugée et condamnée. Pour les mêmes raisons, il n'y a pas lieu non plus de poursuivre l'instruction contre une telle personne.
La procédure de plaider coupable ne cesse de s'élargir depuis la loi n°2004-204 du 9 mars 2004 qui l'a instituée. Elle a été modifiée dans un premier temps, par la loi n°2011-1862 du 13 décembre 2011, pour étendre le plaider coupable à presque tous les délits, à l'exception notamment des "délits d’atteintes volontaires et involontaires à l’intégrité des personnes et d’agressions sexuelles prévus aux articles 222-9 à 222-31-2 du code pénal lorsqu’ils sont punis d’une peine d’emprisonnement d’une durée supérieure à cinq ans" ainsi que des délits en matière de délits de presse (diffamation, injure etc.), des délits d’homicide involontaire, des délits politiques et de délits dont la procédure de poursuite est prévue par une loi spéciale.
Le cas qui a fait grand bruit dans la presse n'entrait pas dans ces exceptions puisque cette personne faisait l'objet d'en enquête pour exhibition sexuelle. Or, l'exhibition sexuelle ne doit pas être confondue avec les agressions sexuelles, infractions pénales qui, elles, ne peuvent faire l'objet d'une procédure de plaider coupable. Le délit est différent :
"L'exhibition sexuelle imposée à la vue d'autrui dans un lieu accessible aux regards du public est punie d'un an d'emprisonnement et de 15 000 euros d'amende". (Article 222-32 du code pénal)
La loi n°2016-819 du 21 juin 2016 a encore étendu le plaider coupable par le moyen de l'article L.465-3-6 du code monétaire qui donne la possibilité d'y recourir pour les délits boursiers prévus aux articles L 465-1 et s. du Code monétaire et financier.
Et ce n'est pas fini, puisqu'un projet de loi actuellement en cours d'examen prévoit encore de modifier la CRPC.
Voilà donc une procédure qui a un bel avenir devant elle et qui pourrait encore apporter de "bonnes nouvelles" à nos politiciens.
Après tout, ils ont compris que mieux vaut être rapidement condamné que d'être traîné dans les médias durant des années à la faveur d'instructions préparatoires et de procès interminables.
Le plaider coupable présente finalement beaucoup d'avantages.
Il écourte la durée des procédures pénales en répondant au droit à être jugé dans un délai raisonnable.
Cela sanctionne rapidement un comportement délictuel avéré, ce qui permet à la personne de payer sa dette à la société, sans avoir à subir durant des années l'acharnement médiatique qui se produit parfois dans certaines affaires.
François JACQUOT
Avocat au Barreau de Paris.