Manuel Valls et le vote du Parlement pour la poursuite de l'intervention française en Irak

Votes à l'Assemblée nationale et au Sénat le 13 janvier 2015.


Un discours en hommage aux victimes des attentats à Paris suivi du vote sur la poursuite de la participation de la France au sein de la coalition internationale pour tenter d'endiguer les fanatiques du groupe Etat Islamique.


Elodie Châtrain
14 Janvier 2015 00:00

L'Assemblée nationale vote à 99,79 % des suffrages exprimés l'autorisation donnée au gouvernement de prolonger l'intervention des forces armées en Irak : 488 députés 'pour' (97 % des présents), 1 député 'contre', 13 'abstentions' et 1 député non votant.

Après les parlementaires de l'Assemblée nationale, ceux du Sénat vote également le même texte à 100 % des suffrages exprimés : 327 sénateurs 'pour' (94 % des présents) et 19 'abstentions'.

Le Parlement donne définitivement son accord. La France poursuivra  ses bombardements en Irak dans le cadre de sa participation à la coalition internationale contre le groupe Daech, se faisant appeler Etat Islamique, afin de lutter contre son expansion.
 

Daech (acronyme en arabe) par les opposants à l'Etat Islamique ou ISIS (en anglais) sur Paris Tribune © odriozola - Fotolia.com

Manuel Valls à l'Assemblée nationale

Manuel Valls, Premier Ministre :
(...) Après le temps de l’émotion et du recueillement – et il n’est pas fini – vient le temps de la lucidité et de l’action.

Sommes-nous en guerre ? La question a, en réalité peu d’importance, car les terroristes djihadistes en nous frappant trois jours consécutifs y ont apporté, une nouvelle fois, la plus cruelle des réponses.

Il faut toujours dire les choses clairement : oui, la France est en guerre contre le terrorisme, le djihadisme et l’islamisme radical.


(applaudissements sur les bancs des députés)

La France n’est pas en guerre contre une religion. La France n’est pas en guerre contre l’islam et les Musulmans.

(applaudissements
sur les bancs des députés)

La France protégera, et le président de la République l’a également rappelé ce matin, la France protégera, comme elle l’a toujours fait, tous ses concitoyens, ceux qui croient comme ceux qui ne croient pas.

Avec détermination, avec sang–froid, la République va apporter la plus forte des réponses au terrorisme, la fermeté implacable dans le respect de ce que nous sommes, un Etat de droit (...)

Autres extraits : Manuel Valls et les terroristes

- Les terroristes ont tué, assassiné des journalistes, des policiers, des Français juifs, des salariés. Les terroristes ont tué des personnes connues ou des anonymes, dans leur diversité d’origine, d’opinion et de croyance. Et c’est toute la communauté nationale que l’on a touchée. Oui, c’est la France qu’on a touché au cœur.

- Loin de moi l’idée de déposer, après ces événements, la moindre chape de plomb sur notre débat démocratique, et vous ne le permettrez pas, de toute façon. Mais, mais nous devons être capables, collectivement, de garder les yeux rivés sur l’intérêt général, et d’être à la hauteur, dans une situation qui est déjà difficile, sur le plan économique, parce que notre pays aussi est fracturé depuis longtemps, parce qu’il y a eu des événements graves.

- Je veux, Mesdames et Messieurs les députés, en notre nom à tous, saluer – et le mot est faible - le très grand professionnalisme, l’abnégation, la bravoure de toutes nos forces de l’ordre - policiers, gendarmes, unités d’élite.

- Non seulement la menace globale est toujours présente, mais que, liés aux actes de la semaine dernière, des risques sérieux et très élevés demeurent : ceux liés à d’éventuels complices, ou encore ceux émanant de réseaux, de donneurs d’ordres du terrorisme international, de cyberattaques. Les menaces perpétrées à l’encontre de la France en sont malheureusement la preuve.

- La meilleure des réponses au terrorisme qui veut précisément briser ce que nous sommes, c’est-à-dire une grande démocratie, c’est le droit, c’est la démocratie, c’est la liberté et c’est le peuple français.

- Nous ne menons pas une guerre de religion, mais que nous menons, oui, un combat pour la tolérance, la laïcité, la démocratie, la liberté et les Etats souverains, ce que les peuples doivent se choisir. 

- Oui, nous nous battons ensemble et nous continuons de nous battre sans relâche.

- C’est cette même volonté, curieuse concordance liée au calendrier, que nous exprimerons tout à l’heure en votant le prolongement de l’engagement de nos forces en Irak. C’est là aussi notre riposte claire et ferme, je m’exprimerai ici même dans un instant, le ministre des Affaires étrangères le fera au Sénat. C’est là aussi notre riposte contre le terrorisme, et nous devons avoir pour nos soldats engagés, sur les théâtres d’opération extérieurs, à des milliers de kilomètres d’ici, un profond respect et une grande gratitude.

- En France, comme dans l’ensemble des pays européens, les personnes qui se reconnaissent dans le djihadisme international ont fortement augmenté en 2014. Dès l’examen de la loi antiterroriste, en décembre 2012, j’ai dit qu’il y avait en France des dizaines de MERAH potentiels. Le temps a confirmé, dramatiquement et implacablement, ce diagnostic.

- Il faut aller plus loin, et j’ai demandé au ministre de l’Intérieur de m’adresser dans les huit jours des propositions de renforcement. Elles devront notamment concerner Internet et les réseaux sociaux qui sont plus que jamais utilisés pour l’embrigadement, la mise en contact, et l’acquisition de techniques permettant de passer à l’acte.

- Nous sommes aussi l’une des dernières démocraties occidentales à ne pas disposer d’une cadre légal cohérent pour l’action des services de renseignement. Ce qui pose un double problème. Un travail important a été fourni par la mission d’information sur l’évaluation du cadre juridique des services de renseignement, présidée par Jean-Jacques URVOAS en 2013. Un prochain projet de loi quasiment prêt visera à donner aux services tous les moyens juridiques pour accomplir leurs missions, tout en respectant les grands principes républicains de protection des libertés publiques et individuelles

- Les phénomènes de radicalisation sont présents sur l’ensemble du territoire. Il faut donc agir partout. Le plan d’action adopté en avril dernier a permis de renouveler l’approche administrative et préventive. La plateforme de signalement est particulièrement sollicitée par les familles. Elle a permis d’éviter de nombreux départs.

- Avant la fin de l’année, sur la base de l’expérience menée depuis cet automne à la prison de Fresnes, la surveillance des détenus considérés comme radicalisés sera organisée dans des quartiers spécifiques créés au sein d’établissements pénitentiaires.

- Nous savons la facilité avec laquelle certains jeunes délinquants de droit commun basculent dans des processus de radicalisation et le passage de la délinquance de droit commun à la radicalisation et au terrorisme est un phénomène que nous avons décrit à maintes reprises ici dans les travaux de l’Assemblée nationale. Mais nous devons savoir prendre les mesures adaptées qui s’imposent. Il faut, certes, accompagner, aider, suivre de nombreux mineurs menacés par cette radicalisation. Il faut aussi prendre acte de la nécessité de créer, au sein de la direction de la PJJ, une unité de renseignement, à l’instar de ce qui est fait dans l’administration pénitentiaire.

- La lutte contre le terrorisme demande une vigilance de chaque instant. Nous devons pouvoir connaître en permanence l’ensemble des terroristes condamnés, connaitre leur lieu de vie, contrôler leur présence ou leur absence. 

- J'ai demandé aux ministres de l'Intérieur et de la Justice d'étudier les conditions juridiques de mise en place d'un nouveau fichier. Il obligera les personnes condamnées à des faits de terrorisme ou ayant intégré des groupes de combat terroristes à déclarer leur domicile et à se soumettre à des obligations de contrôle. De telles dispositions existent déjà pour d'autres formes de délinquance à risque élevé de récidive. Nous devons l’appliquer en matière d'engagement terroriste, toujours sous le contrôle strict du juge.

Autres extraits : Manuel Valls et les Juifs

- L’histoire nous l’a montré, le réveil de l’antisémitisme, c’est le symptôme d’une crise de la démocratie, d’une crise de la République. C’est pour cela qu’il faut y répondre avec force (...) Il y a un antisémitisme que l’on dit historique remontant du fond des siècles mais il y a surtout ce nouvel antisémitisme qui est né dans nos quartiers, sur fond d’Internet, de paraboles, de misère, sur fond des détestations de l’Etat d’Israël, et qui prône la haine du juif et de tous les juifs. Il faut le dire, il faut poser les mots pour combattre cet antisémitisme inacceptable ! (...) oui, disons-le à la face du monde : sans les juifs de France, la France ne serait plus la France.

- Comment accepter que, dans certains établissements, collèges ou lycées, on ne puisse pas enseigner ce qu’est la Shoah ? Comment on peut accepter qu’un gamin de 7 ou 8 ans dise à son enseignant quand il lui pose la question « quel est ton ennemi ? » et qu’il lui répond « c’est le juif » ? Quand on s’attaque aux juifs de France, on s’attaque à la France et on s’attaque à la conscience universelle, ne l’oublions jamais !

Autres extraits : Manuel Valls et les Musulmans

- L’autre urgence, c’est de protéger nos compatriotes musulmans. Ils sont, eux aussi, inquiets. Des actes antimusulmans inadmissibles, intolérables, se sont à nouveau produits ces derniers jours. Là aussi, s’attaquer à une mosquée, à une église, à un lieu de culte, profaner un cimetière, c’est une offense à nos valeurs.

- L’Islam est la deuxième religion de France. Elle a toute sa place en France. Et notre défi, pas en France, mais dans le monde, c’est de faire cette démonstration : la République, la laïcité, l’égalité hommes / femmes sont compatibles avec toutes les religions sur le sol national qui acceptent les principes et les valeurs de la République. Mais cette République doit faire preuve de la plus grande fermeté, de la plus grande intransigeance, face à ceux qui tentent, au nom de l’Islam, d’imposer une chape de plomb sur des quartiers, de faire régner leur ordre sur fond de trafics et sur fond de radicalisme religieux, un ordre dans lequel l’homme domine la femme, où la foi, oui madame la présidente Pompili, vous avez eu raison de le rappeler, l’emporterait sur la raison.

- Quand de vrais ghettos urbains se forment, où l’on n’est plus qu’entre soi, où l’on ne prône que le repli, que la mise en congé de la société, où l’Etat n’est plus présent, comment aller vers la République, saisir cette main fraternelle qu’elle tend ? 

- Et surtout, comment tirer un trait catégorique sur cette frontière trop souvent ténue qui fait que l’on peut basculer - pas d’angélisme, regardons les faits en face - dans nos quartiers, de l’Islam tolérant, universel, bienveillant vers le conservatisme, vers l’obscurantisme, l’islamisme, et pire la tentation du djihad et du passage à l’acte. 

- Ce débat, il n’est pas entre l’Islam et la société. C’est bien un débat au sein même de l’Islam, que l’islam de France doit mener en son sein, en s’appuyant sur les responsables religieux, sur les intellectuels, sur les Musulmans qui nous disent depuis plusieurs jours qu’ils ont peur.

Autres extraits : Manuel Valls entre Juifs et Musulmans

- Je ne veux plus que dans notre pays il y ait des Juifs qui puissent avoir peur. Et je ne veux pas qu’il y ait des Musulmans qui aient honte parce que la République elle est fraternelle, elle est généreuse, elle est là pour accueillir chacun.

- La République et ses valeurs (...) Les valeurs ce sont en premier lieu la laïcité qui est gage d’unité et de tolérance (...) La laïcité, oui la laïcité, la possibilité de croire, de ne pas croire.

- Arborons fièrement ce principe puisqu’on nous attaque à cause de la laïcité, à cause des lois que nous avons votées ici interdisant les signes religieux à l’école prohibant le voile intégral, revendiquons les, parce que c’est ça qui doit nous aider à être encore davantage plus forts.

- C’est ça aussi la France. Il y avait trois couleurs. Trois couleurs de ces trois policiers, ces deux policiers nationaux et cette policière municipale. Elle représentait, ils représentaient la diversité des parcours et des origines. Trois couleurs différentes. Trois parcours, mais trois Français. Trois serviteurs de l’Etat. Et devant les cercueils, aux côtés de leurs familles, il n’y avait que trois couleurs, celles du drapeau national. C’est au fond ça le plus beau message.




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