Nicolas Bonnet provoque des murmures de désapprobation sur les bancs des élus de droite mais aucun sur les bancs des élus socialistes en parlant des leçons d'économie de la Maire de Paris au Gouvernement Valls : le PIM d'Anne Hidalgo serait un "choc par l'investissement (qui) prend le contre-pied du choc de compétitivité, je dirais même le contre-pied de l'anémie dans laquelle le gouvernement installe notre pays".
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Intervention de Nicolas Bonnet au conseil de Paris
Madame la Maire, Monsieur le Préfet, mes chers collègues, permettez moi tout d'abord de vous remercier Madame la Maire ainsi que les adjoints, pour la méthode de travail que nous avons eu sur ce budget.
Un spécialiste éclairé de la vie politique parisienne commentait récemment la préparation du budget de notre ville en disant "et si Anne Hidalgo donnait des leçons d'économie au gouvernement". Il insistait particulièrement sur l'ampleur du programme d'investissement de mandature. Il continuait en déclarant que nous avons fait le choix d'un choc positif par l'investissement public pour relancer la croissance et l'emploi. Ce journaliste a raison, contrairement à ce que dit l'opposition, c'est l'investissement d'aujourd'hui qui fait les recettes de demain mais j'y reviendrai.
Ce choc par l'investissement prend le contre-pied du choc de compétitivité. Je dirais même le contre-pied de l'anémie dans laquelle le gouvernement installe notre pays. Nous souffrons des décisions qui freine la consommation des ménages et l'investissement public reste un puissant moteur de relance qui a déjà fait ses preuves face à la grande crise de 1929.
Alors oui, nous soutenons cette politique d'investissement ambitieuse qui d'une part répond aux exigences des Parisiens, respecte nos engagements de campagne, et va même au-delà avec dix milliards d'euros.
Lorsque nous avons signé notre contrat de mandature, nous avions fixé à 8.5 milliards d'euros l'investissement pour les 6 ans à venir, même si les communistes avaient jugé nécessaire d'aller à 10 milliards. Mais ça, c'était avant. Surtout avant que le gouvernement Valls, courageusement, annonce un plan drastique de coupe dans les aides aux collectivités locales : 10 milliards sur 3 ans prenant prétexte de manière fallacieuse que les collectivités dépensent trop et peut être même mal.
Malheureusement, comme les gouvernements précédents, il a entériné l'idée que la dépense publique est mauvaise et que les collectivités devaient réduire leur train de vie. Cette défiance à l'égard des élus locaux jette le discrédit sur eux et masque l'apport essentiel des collectivités à l'économie nationale : 73 % de l'investissement public est porté par les collectivités, et si celles -ci réduisent la voilure, les conséquences en cascade se feront sentir très rapidement.
Moins de chantiers, c'est moins de travail, c'est moins d'emplois, c'est moins de recettes et moins de recettes pour notre collectivité, c'est moins de dépenses et donc moins de services à la population. Mais c'est aussi plus de chômage et de précarité et donc plus de dépenses sociales pour l'Etat et les départements.
Selon le rapport de l'INSEE, aujourd'hui dans notre agglomération près de 29.000 personnes vivent à la rue, dont un nombre d'enfants et de travailleurs précaires qui ne cesse d'augmenter. A l'approche des 70 ans du Secours Populaire Julien Lauprêtre nous parle d'un raz-de-marée de la misère avec plus de 2.5 millions de personnes accueillies par an par le Secours populaire.
Rappelons que plus de 2 millions de repas sont servis à Paris par les restos du coeur et qu'un gosse sur 3 ne part pas en vacances. Nous avons le devoir mes chers collègues de recréer des jours heureux pour une génération entière qui est actuellement dans la survie.
C'est donc bien exactement l'inverse des politiques d'austérité qu'il faut donc mener pour retrouver un cercle vertueux qui, par la commande publique, crée de l'emploi et donc de la recette. Ce cercle vertueux n'est en rien démonstration bolchévique mais celle d'économistes sérieux qui disent qu'ils sont aujourd'hui atterrés par des choix économiques menés sous la droite et qui malheureusement restent dans le logiciel du gouvernement d'aujourd'hui et plombe notre économie.
La semaine dernière, l'OCDE confirme dans un rapport que l'aggravation des inégalités de revenus et l'amplification de la pauvreté fait chuter la croissance économique. Que peuvent faire les pouvoirs publics ? L'OCDE répond : "investir dans le long terme dans l'accès aux services publics entre autres l'éducation, la formation, et des soins de qualité pour davantage d'égalité".
Alors oui. La décision de porter à 10 milliards d'euros l'investissement de la ville est une bonne politique et surtout nous pouvons continuer de le faire car nous sommes la ville la moins endettée de France.
Alors oui, nous avons recours à l'emprunt pour préparer l'avenir et réparer ce que la droite n'a pas fait pendant 24 ans de son règne à Paris. Depuis 2001, nous avons investi pour corriger votre laisser faire, parce que nous, contrairement à vous, nous croyons encore à l'action publique et nous savons que sans celle-ci, les classes populaires et les classes moyennes seraient chassées de la ville. Vous n'auriez pas construit un seul logement social et vous les auriez laissé réservé à celles et ceux qui auraient le moins besoin, comme nous l'avons encore appris par la presse.
J'ai écouté mes collègues venus de toute la France au Congrès des Maires. Tous font le même constat. La baisse des dotations les oblige non seulement à faire des coupes dans leur budget de fonctionnement mais aussi dans l'investissement. Alors ce choc de l'investissement, nous devons le porter et le provoquer justement parce que Paris est un moteur économique pour l'ensemble de son agglomération.
Mon ami Azzédine Taïbi, maire de Stains, une des communes les plus pauvres de la banlieue parisienne, a alerté le gouvernement. Pour sa ville de plus de 30000 habitants, l'application du plan Valls, ce sont trois milliards de dotation en moins, cela représente le coût de fonctionnement de son centre de santé mais aussi la mise en chantier d'une école primaire qui lui fait défaut. Il a symboliquement fait grève une journée pour alerter les pouvoirs publics. Voilà à quoi sont réduits les élus pour se faire entendre. Ne croyez -vous pas qu'à Stains comme à Paris on ait besoin d'investissements publics ?
Nous avions fait du logement la pierre angulaire de notre engagement avant, pendant et après la campagne électorale. dans notre plan pluriannuel d'investissement c'est près de trois milliards pour le logement. c'est un effort inédit dans son ampleur. il tient compte de la tension permanente que nous avons pour l'accès au logement pour toutes et tous à Paris. N'oublions jamais que nous avons près de 140.000 demandeurs de logements dans notre ville et que 70% de la population parisienne est éligible au logement social. Ce seront donc 10.000 logements par an qui pourront être livrés chaque année. Mais ce sont aussi des rénovations qui permettront à terme de réduire la consommation d'énergie de 25%.
S'ajouteront à cet effort le milliard d'euros porté par les bailleurs publics. La fracture sociale et énergétique dans notre ville est visible et au delà l'accès au logement en lui même, nous devons tout faire pour que les charges induites, comme l'eau, l'électricité, baissent afin que la part des dépenses liées au logement ne grève pas plus le budget des familles.
Et puisque Madame Kosciukso-Morizet, vous déposez, votre groupe dépose, pour accélérer la transformation de bureaux en logements et que vous avez vous -même évoqué la vente de votre siège prétextant les mauvais souvenirs qui lui sont attachés, nous proposerons de le transformer en logements sociaux.
Nous voyons bien la vieille haine de classe qui guide la droite quand elle s'oppose à l'acquisition dans le diffus (désapprobation des élus UMP). La volonté de rester entre soi, de réserver à l'Est parisien des logements sociaux et de ne pas les accepter qu'au compte-gouttes dans l'ouest de Paris. A chaque fois qu'un membre de votre groupe intervient sur les opérations de logements, je pense à la phrase des Pinçon-Charlot dans leur livre "Les ghettos de riches" : "ce ne sont pas les pauvres qui décident de vivre entre eux, c'est le choix des riches de vivre entre soi qui pousse les pauvres à la périphérie".
Oui, nous sommes heureux de ces annonces et si certains ont des doutes sur leur réalisation, qu'ils lisent et relisent le nombre de délibérations qui concernent le logement et ils verront bien que nous faisons ce que nous disons, et nous disons ce que nous faisons.
Il en est de même pour les transports à Paris avec une augmentation de 20% de l'investissement pour lutter contre la pollution. C'est une bonne nouvelle pour les Parisiennes et les Parisiens mais aussi pour celles et ceux qui viennent travailler dans notre ville. De plus, le recours accru au transport public sera incité par la décision courageuse d'aller vers le tarif unique du passe Navigo.
Dans le même temps, nous félicitons l'augmentation de 33 % des crédits dédiés à la logistique urbaine. Avec la création de pôles multi Modo pour améliorer la livraison de marchandises par le fleuve et le rail dans la capitale. Nous devons avoir le souci de créer de l'emploi lié à ces pôles. Paris ne peut et ne doit être une ville uniquement de bureaux et de commerces mais aussi retrouver l'emploi industriel.
La zone d'aménagement de Bercy Charenton dans le 12e arrondissement pourra être pilote en ce domaine mais notre satisfaction dans ce PIM est surtout de voir l'accès porté de l'investissement dans les quartiers populaires de notre ville. Plus exposés que d'autres à la pollution, ce sont aussi les Parisiennes et les Parisiens qui ont le moins accès aux services publics. ils cumulent. les choix de soutenir les grands projets de rénovation urbaine aux portes de Paris doivent apporter des améliorations notables en matière de cadre de vie.
Ainsi nous engageons l'acte 2 de la reconquête par le service public en renforçant le maillage d'équipements publics de proximité, en matière d'éducation, de culture, de transport, et de petite enfance. Ce sont dans ces quartiers que la population subit le plus le chômage et l'isolement. c'est là que se concentre 14 % des Parisiennes et des Parisiens qui vivent sous le seuil de pauvreté. c'est là que l'autre politique municipale doit le plus se voir, c'est là que le bouclier social et l'accès aux services publics doit être renforcés.
Nous sommes très sensibles au fait que six millions d'euros soient consacrés au secteur de la santé. Même si nous aurions préféré que cette somme soit plus importante. la création de centres de santé en secteur 1 reste pour nous la priorité face aux volonté de restructurations de l'AP-HP, nous resterons fermes sur l'urgence de lancer des Assises de la Santé en début d'année 2015.
Enfin pour conclure, oui, 5.000 places en plus en crèche c'est très bien. Mais vous le savez madame la maire nous serons pour les crèches comme pour tous les autres équipements publics attentifs au mode de gestion qui sera choisi pour les faire fonctionner. derrière l'investissement, il y aura à terme du fonctionnement. Sachons prévoir car nous ne voudrions pas être mis devant mais le fait accompli d'une gestion confiée au privé alors que nous avons besoin d'emplois publics qualifiés.
Notre plan d'investissement de mandature est la traduction concrète et fidèle de nos engagements de campagne, vous le saviez, la confiance n'évite pas le contrôle et d'ici les prochains mois, nous pourrons porter des propositions pour sa concrétisation, tant dans la nature des investissements que dans leur localisation.
Je vous remercie.