Comme pour la Marianne du tribunal administratif de Papeete, la condition de l'urgence en référé suspension appelle la recherche d'un équilibre entre les intérêts en cause © VD/MT.
La Présidence de la Polynésie française a gagné et l'ancien président de l'Autorité polynésienne de la concurrence, une autorité administrative indépendante, a perdu.
Dans cette affaire, ainsi que les plaidoiries l'ont révélé, le raisonnement et la technique juridiques tutoient le problème délicat des relations humaines. Dès que toutes les conditions sont réunies, le recours au droit permet de régler en toute légalité des problèmes relationnels sans que ces derniers ne soient mis sur la place publique ; ils sont simplement évoqués en audience publique.
Jacques Mérot, Président en exercice depuis 2015 de l'Autorité polynésienne de la concurrence (APC), a été démis d'office par un arrêté du Président de la Polynésie française qui entérine, en quelque sorte, un vote de quatre membres présents sur cinq du nouveau collège de l'APC (20019-2023) en vue de la démission d'office de leur président.
Le président démis d'office perd son référé suspension sur l'urgence, l'une des deux conditions à remplir avant celle du doute sérieux sur la légalité de la décision attaquée. Dans son ordonnance, le Juge de Référés considère que :
« Monsieur Mérot ne sera pas, comme il le soutient, privé de rémunération (...) La Polynésie française lui assurant (...) le maintien de la rémunération correspondant à son grade, jusqu’à la fin de son détachement et sa réintégration auprès des services de la Cour des comptes » ; « étant notamment démissionné d’office par décision unanime des membres du collège de l’Autorité polynésienne de la concurrence, la Polynésie française est fondée à soutenir que la suspension des décisions attaquées et son retour à la tête de cette institution en affecterait gravement le fonctionnement ».
Dans cette affaire, ainsi que les plaidoiries l'ont révélé, le raisonnement et la technique juridiques tutoient le problème délicat des relations humaines. Dès que toutes les conditions sont réunies, le recours au droit permet de régler en toute légalité des problèmes relationnels sans que ces derniers ne soient mis sur la place publique ; ils sont simplement évoqués en audience publique.
Jacques Mérot, Président en exercice depuis 2015 de l'Autorité polynésienne de la concurrence (APC), a été démis d'office par un arrêté du Président de la Polynésie française qui entérine, en quelque sorte, un vote de quatre membres présents sur cinq du nouveau collège de l'APC (20019-2023) en vue de la démission d'office de leur président.
Le président démis d'office perd son référé suspension sur l'urgence, l'une des deux conditions à remplir avant celle du doute sérieux sur la légalité de la décision attaquée. Dans son ordonnance, le Juge de Référés considère que :
« Monsieur Mérot ne sera pas, comme il le soutient, privé de rémunération (...) La Polynésie française lui assurant (...) le maintien de la rémunération correspondant à son grade, jusqu’à la fin de son détachement et sa réintégration auprès des services de la Cour des comptes » ; « étant notamment démissionné d’office par décision unanime des membres du collège de l’Autorité polynésienne de la concurrence, la Polynésie française est fondée à soutenir que la suspension des décisions attaquées et son retour à la tête de cette institution en affecterait gravement le fonctionnement ».
De l'intérêt des écritures et des plaidoiries le jour de l'audience
La procédure est avant tout écrite. Ce qui est écrit n'est pas forcément dit à l'oral lors des plaidoiries.
Sur la perte de rémunération expliquée par Jacques Mérot :
Maître Vincent Dubois a communiqué son mémoire en défense le jour même de l'audience et dans sa plaidoirie, il ne parle pas des arguments ayant permis au Juge des Référés d'affirmer que la Polynésie française a annoncé maintenir la rémunération de Jacques Mérot au-delà de ses congés annuels, et jusqu'à sa réintégration dans son corps d'origine.
Dans sa plaidoirie, Maître François Mestre ne parle pas non plus de cet engagement pris par la collectivité d'outre-mer envers son client Jacques Mérot.
Sur le fonctionnement de l'Autorité polynésienne de la concurrence :
Maître François Mestre a évoqué à la fin de sa plaidoirie « un problème de relations humaines (...) plus qu’une mésentente » entre le Président de l'APC Jacques Mérot et un rapporteur, et ses conséquences sur le fonctionnement administratif de l'APC - sur le respect des délais - pour expliquer rapidement le pourquoi de l'accusation jugée non fondée d'impartialité d'un rapporteur envers le Président.
Maître Vincent Dubois n'en parle pas à l'oral.
C'est le Juge des Référés qui résume dans l'ordonnance la position de la Présidence de la Polynésie sur ce point :
« la situation a été créée par le comportement de l’intéressé » ; « inversement il y a urgence à ne pas suspendre les décisions de démission d’office alors que celle-ci a été sollicitée par l’ensemble des autre membres de l’APC, qui ne serait alors plus à même de poursuivre sa mission ».
Sur la perte de rémunération expliquée par Jacques Mérot :
Maître Vincent Dubois a communiqué son mémoire en défense le jour même de l'audience et dans sa plaidoirie, il ne parle pas des arguments ayant permis au Juge des Référés d'affirmer que la Polynésie française a annoncé maintenir la rémunération de Jacques Mérot au-delà de ses congés annuels, et jusqu'à sa réintégration dans son corps d'origine.
Dans sa plaidoirie, Maître François Mestre ne parle pas non plus de cet engagement pris par la collectivité d'outre-mer envers son client Jacques Mérot.
Sur le fonctionnement de l'Autorité polynésienne de la concurrence :
Maître François Mestre a évoqué à la fin de sa plaidoirie « un problème de relations humaines (...) plus qu’une mésentente » entre le Président de l'APC Jacques Mérot et un rapporteur, et ses conséquences sur le fonctionnement administratif de l'APC - sur le respect des délais - pour expliquer rapidement le pourquoi de l'accusation jugée non fondée d'impartialité d'un rapporteur envers le Président.
Maître Vincent Dubois n'en parle pas à l'oral.
C'est le Juge des Référés qui résume dans l'ordonnance la position de la Présidence de la Polynésie sur ce point :
« la situation a été créée par le comportement de l’intéressé » ; « inversement il y a urgence à ne pas suspendre les décisions de démission d’office alors que celle-ci a été sollicitée par l’ensemble des autre membres de l’APC, qui ne serait alors plus à même de poursuivre sa mission ».
Des écritures enregistrées après la clôture de l'instruction ?
A la lecture de l'ordonnance, un détail frappe : le mémoire de la Polynésie française a été enregistrée le 14 août, soit au lendemain de l'audience du 13 août à l'issue de laquelle la clôture de l'instruction est intervenue.
Dans son ordonnance du 17 août 2020, le Juge des Référés rappelle :
Il faut sans doute en déduire que des arguments écrits postérieurs au mémoire de Maître Vincent Dubois, annoncé, sans contestation, au début de l'audience comme ayant été communiqué le matin du 13 août, ont été enregistrés le 14 août, avec de nouveaux arguments, ou pas, au greffe du tribunal administratif. Or le temps de l'instruction était dépassé.
C'est oublier que le droit prévoit ce cas de figure, à la condition de le savoir :
Dans son ordonnance du 17 août 2020, le Juge des Référés rappelle :
« Lors de l'audience du 13 août 2020, par un mémoire enregistré le 14 août 2020, la Polynésie française, représentée par son président et par Me Dubois, conclut au rejet de la requête (...) la clôture de l’instruction a été prononcée à l’issue de l’audience ».
Ordonnance du 17 août 2020 (1).
Mise à jour le 19 août : Une deuxième ordonnance le 18 août 2020 (Lire plus bas).
Mise à jour le 19 août : Une deuxième ordonnance le 18 août 2020 (Lire plus bas).
Il faut sans doute en déduire que des arguments écrits postérieurs au mémoire de Maître Vincent Dubois, annoncé, sans contestation, au début de l'audience comme ayant été communiqué le matin du 13 août, ont été enregistrés le 14 août, avec de nouveaux arguments, ou pas, au greffe du tribunal administratif. Or le temps de l'instruction était dépassé.
C'est oublier que le droit prévoit ce cas de figure, à la condition de le savoir :
« l’exposé d’une circonstance de fait ou d’un élément de droit dont la partie qui l’invoque n’était pas en mesure de faire état avant la clôture de l’instruction et qui est susceptible d’exercer une influence sur le jugement de l’affaire, le juge doit alors en tenir compte, à peine d’irrégularité de sa décision » (2).
Un équilibre entre les intérêts en cause
Le Juge des Référés a trouvé un équilibre entre les intérêts en cause. Il a apprécié « globalement et objectivement » la première condition à remplir : l'urgence.
La deuxième condition, la condition du doute sérieux sur la légalité de l'arrêté attaqué, qui ne juge pas le droit, n'a pas été examinée.
La deuxième condition, la condition du doute sérieux sur la légalité de l'arrêté attaqué, qui ne juge pas le droit, n'a pas été examinée.
Les pour et les contre
Les partisans de ceux qui voulaient se débarrasser du président sont satisfaits par cette décision.
C'est pourtant une affaire déconcertante à plus d'un titre pour l'opinion publique : elle a du mal à comprendre pourquoi le président de l'Autorité polynésienne de la concurrence a été chassé à un an de la fin de son mandat et alors que la crise du Covid a révélé que l'avis de l'APC des membres précédents du collège de l'APC (2015-2019) relatif aux boissons réfrigérées / non réfrigérées a bien été appliqué par le Président de la Polynésie française et par le conseil des ministres (3).
C'est aussi un dossier délicat pour la Présidence de la Polynésie française qui a préféré siffler la fin de la récréation sans chercher par tous moyens à faire l'économie d'une procédure.
Le problème est-il réglé pour autant ? L'avenir le dira.
C'est pourtant une affaire déconcertante à plus d'un titre pour l'opinion publique : elle a du mal à comprendre pourquoi le président de l'Autorité polynésienne de la concurrence a été chassé à un an de la fin de son mandat et alors que la crise du Covid a révélé que l'avis de l'APC des membres précédents du collège de l'APC (2015-2019) relatif aux boissons réfrigérées / non réfrigérées a bien été appliqué par le Président de la Polynésie française et par le conseil des ministres (3).
C'est aussi un dossier délicat pour la Présidence de la Polynésie française qui a préféré siffler la fin de la récréation sans chercher par tous moyens à faire l'économie d'une procédure.
Le problème est-il réglé pour autant ? L'avenir le dira.
Sources citées :
(1) Ordonnance du 17 août 2020 - 2000482.
(2) Après la clôture de l’instruction, quelle doit être l’ouverture d’esprit du juge administratif ? (10 juillet 2019) - https://blog.landot-avocats.net/2019/07/10/apres-la-cloture-de-linstruction-quelle-doit-etre-louverture-desprit-du-juge-administratif/
(3) Article en préparation à suivre sur Ma'ohi Tribune.
(1) Ordonnance du 17 août 2020 - 2000482.
(2) Après la clôture de l’instruction, quelle doit être l’ouverture d’esprit du juge administratif ? (10 juillet 2019) - https://blog.landot-avocats.net/2019/07/10/apres-la-cloture-de-linstruction-quelle-doit-etre-louverture-desprit-du-juge-administratif/
(3) Article en préparation à suivre sur Ma'ohi Tribune.
Une deuxième ordonnance le 18 août 2020
L'ordonnance du 17 août 2020 a été remise en cause, dans notre article, par l'expression « des écritures enregistrées après la clôture de l'instruction ? » La réponse est qu'il y a eu une erreur matérielle.
Le tribunal administratif de Polynésie française nous a répondu par mail le 19 août 2020 :
Bonjour Madame,
(...) il s’agit d’une erreur matérielle. Vous trouverez ci-joint l’ordonnance rectifiant la précédente décision.
Cordialement,
La rectification d'une décision de justice n'est pas chose courante car la règle veut que lorsque le juge s’est prononcé, il ne lui est plus possible de modifier lui-même la décision de justice qui a des conséquences pour les parties.
En cas d'erreur matérielle, la rectification est possible si elle ne fait l’objet d’aucune contestation et si elle ne modifie pas le sens de la décision.
Il reste un mystère entourant les circonstances dans lesquelles l'engagement est pris, par la présidence de la Polynésie française, de maintenir la rémunération de Jacques Mérot jusqu'à ce qu'il retrouve son corps d'origine en métropole.
Car on peut raisonnablement penser que si cet engagement avait été pris en même temps que la démission d'office, à la tête de l'Autorité polynésienne de la concurrence, de Jacques Mérot, le 3 août, celui-ci n'aurait pas déposé, le 7 août, en urgence, face à sa perte de rémunération, un référé suspension contre l'arrêté présidentiel.
Le tribunal administratif de Polynésie française nous a répondu par mail le 19 août 2020 :
Bonjour Madame,
(...) il s’agit d’une erreur matérielle. Vous trouverez ci-joint l’ordonnance rectifiant la précédente décision.
Cordialement,
La rectification d'une décision de justice n'est pas chose courante car la règle veut que lorsque le juge s’est prononcé, il ne lui est plus possible de modifier lui-même la décision de justice qui a des conséquences pour les parties.
En cas d'erreur matérielle, la rectification est possible si elle ne fait l’objet d’aucune contestation et si elle ne modifie pas le sens de la décision.
Il reste un mystère entourant les circonstances dans lesquelles l'engagement est pris, par la présidence de la Polynésie française, de maintenir la rémunération de Jacques Mérot jusqu'à ce qu'il retrouve son corps d'origine en métropole.
Car on peut raisonnablement penser que si cet engagement avait été pris en même temps que la démission d'office, à la tête de l'Autorité polynésienne de la concurrence, de Jacques Mérot, le 3 août, celui-ci n'aurait pas déposé, le 7 août, en urgence, face à sa perte de rémunération, un référé suspension contre l'arrêté présidentiel.