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Roger Madec et France Télévisions : le courant ne passe plus

Le sénateur-mairie du 19e arrondissement de Paris et ses relations avec France 2.


Le sénateur-maire du 19e arrondissement Roger Madec fait cesser un tournage de France Télévisions en coupant l'électricité.


3 Décembre 2012 - 14:39
     

Roger Madec fait couper l'électricité pour empêcher une équipe de France 2 d'enregistrer une interview dans la salle des mariages de la mairie du 19e arrondissement.

Le jeudi 29 novembre 2012, le sénateur-maire du 19e arrondissement apprend le nom de l'invitée et interdit le tournage. Toute la production étant installée, l'interview commence. Pour la faire cesser, l'idée vient de couper l'alimentation électrique des projecteurs puis des caméras. Celles-ci ayant été branchées sur batterie, le tournage se poursuit jusqu'à son terme, dans le noir. Après un vif échange téléphonique avec le journaliste Benoît Duquesne, Roger Madec écrit à Rémy Pflimlin, PDG de France Télévisions.

Roger Madec revendique le droit à la censure

Dans sa lettre, Roger Madec le dit tout net : "l'équipe n'avait pas respecté les usages élémentaires de courtoisie, ni de respect vis-à-vis de la Mairie du 19e, j'ai fait cesser ce tournage".

Le sénateur-maire poursuit : "il nous a été indiqué que le présentateur recevrait Louis-Georges TIN, auteur du 'Dictionnaire de l'homophobie'. Dans ce cadre, j'ai donné mon accord et accepté d'accueillir cette équipe. Je n'ai appris que ce matin, mis devant le fait accompli, que l'invité serait finalement Madame Frigide Barjot, organisatrice de la 'Manif pour tous' qui s'est tenue récemment dans plusieurs villes de France, et qui est de fait l'une des principales porte-parole des mouvements opposés au mariage et à l'adoption par les couples homosexuels".

Roger Madec clôt l'épisode : "J’ai récemment autorisé une autre équipe de tournage à réaliser un documentaire pour France Télévision consacrée à la réalité des mariages aujourd’hui. Il ne serait guère raisonnable de prétendre que la Mairie du 19e puisse entraver de quelque manière que ce soit la liberté des journalistes de faire leur métier correctement".

Benoît Duquesne revient sur la crise diplomatique entre France Télévision et le sénateur-maire du 19e arrondissement dans l'émission "Vous êtes en direct" sur NRJ 12 à 18h40 le 29 novembre 2012, présenté par Jean-Marc Morandini :

"Au moment de faire l'interview, j'ai eu un coup de fil du maire qui a été violent à mon égard, et très remonté, me reprochant même d'être déloyal. Il m'a raccroché au nez, en m'interdisant de faire l'émission. A ce stade là, pour des problèmes de production, il était trop tard pour revenir en arrière."

Benoît Duquesne ne nie pas ce changement "au dernier moment" dans une interview le jour même au site PureMedias. Il se dit "indigné" : "en 11 ans d'émission, cela ne nous est jamais arrivé" et "furieux" car il estime qu' "en démocratie, il est normal de donner la parole et de débattre avec des gens dont vous ne partagez pas l'opinion".

Dans le magazine "Complément d'enquête" diffusé le 29 novembre en 2e partie de soirée sur France 2, Benoît Duquesne explique :

"On ne s’était pas vraiment arrêté sur un nom d’invité et visiblement quand il a découvert ce matin que c’était Frigide Barjot, il a essayé de s’y opposer vertement et fortement au téléphone avec moi" dit-il à l’antenne, "il a quand même fallu que l’on fasse l’interview et il a donc choisi de faire couper l’électricité pour nous empêcher de la terminer. Je trouve que ce sont des méthodes surprenantes, choquantes et consternantes (…) de la part d’un élu de la République" dénonce le journaliste.

Le maire d'arrondissement, c'est tout un poème.
Le maire d'arrondissement et le journaliste : des relations complexes.
Le maire d'arrondissement et la censure : une éternelle tentation.

***

Lettre de Roger Madec à Rémy Pflimlin

Le sénateur-maire du 19e arrondissement écrit à Rémy Pflimlin, PDG de France Télévisions et publie sa lettre sur son blog "dans un souci de transparence", suite à "un grand nombre de messages concernant le tournage d’une partie de l’émission de télévision 'Complément d’enquête' :

Interview d'une durée de 6 minutes dans la salle des mariages de la mairie du 19e arrondissement : "On est ici avec vous Frigide Barjot" (c) Capture d'écran France 2.
Interview d'une durée de 6 minutes dans la salle des mariages de la mairie du 19e arrondissement : "On est ici avec vous Frigide Barjot" (c) Capture d'écran France 2.
"Monsieur le Président-Directeur général,
Je tiens à vous faire part de mon indignation quant aux méthodes qu’ont cru devoir employer les responsables de votre émission 'Complément d’enquête' vis-à-vis des personnels de la Mairie du 19e arrondissement et de moi-même lors du tournage de leur émission du 29 novembre consacrée à l’homophobie.
Mon cabinet a été contacté vendredi 23 novembre par la rédaction du magazine qui souhaitait tourner dans notre salle des mariages une interview : il nous a été indiqué que le présentateur recevrait Louis-Georges TIN, auteur du 'Dictionnaire de l’homophobie' ou – je cite les échanges – 'un homme ou une femme qui pourrait témoigner de son propre parcours, de ses difficultés à vivre, à annoncer son homosexualité'. Dans ce cadre, j’ai donné mon accord et accepté d’accueillir cette équipe
.

A 3 minutes et 24 secondes du début de l'interview : "On a de la lumière qui disparaît au fur et à mesure" (c) Capture d'écran France 2.
A 3 minutes et 24 secondes du début de l'interview : "On a de la lumière qui disparaît au fur et à mesure" (c) Capture d'écran France 2.
Je n’ai appris que ce matin, mis devant le fait accompli, que l’invitée serait finalement Madame Frigide BARJOT, organisatrice de la 'Manif pour tous' qui s’est tenue récemment dans plusieurs villes de France, et qui est de fait l’une des principales porte-parole des mouvements opposés au mariage et à l’adoption par les couples homosexuels.
Dans ces conditions, et considérant que l’équipe n’avait pas respecté les usages élémentaires de courtoisie ni de respect vis-à-vis de la Mairie du 19e, j’ai fait cesser ce tournage. Il ne s’agit pas pour moi de contrarier le débat sur cette réforme majeure de société, en faveur de laquelle je me suis publiquement engagé à de nombreuses reprises, ni d’empêcher les opposants à cette réforme de s’exprimer : pour le coup, j’ai eu l’occasion de

A 4 minutes 52 secondes du début de l'interview, proche de la fin : "On est un petit peu dans le noir" (c) Capture d'écran France 2.
A 4 minutes 52 secondes du début de l'interview, proche de la fin : "On est un petit peu dans le noir" (c) Capture d'écran France 2.
débattre en direct avec Mme Barjot sur un autre media, et je continuerai à défendre cette réforme aussi longtemps que le combat ne sera pas achevé.
J’ai récemment autorisé une autre équipe de tournage à réaliser un documentaire pour France Télévision consacrée à la réalité des mariages aujourd’hui. Il ne serait guère raisonnable de prétendre que la Mairie du 19e puisse entraver de quelque manière que ce soit la liberté des journalistes de faire leur métier correctement. Cette correction suppose, en revanche, un dialogue franc et honnête qui, en l’espèce, n’a pas eu lieu.
Je regrette pour votre émission, que j’estime par ailleurs, que ses responsables n’aient pas respecté leurs engagements, et serai naturellement disponible pour préciser ma position sur ce sujet à l’avenir.
Je vous prie d'agréer, Monsieur, etc."



Articles du 3 décembre 2012 :
- Roger Madec, Benoît Duquesne et Frigide Barjot.
- Frigide Barjot remercie Christophe Girard sur France 2.





Vaea Devatine
Journaliste tahitienne. Formations universitaires modestes, en droit, en sciences sociales... En savoir plus sur cet auteur


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