Une œuvre de Pierre Brueghel le Jeune à Monaco

Le samedi 12 avril 2014, le procureur ou avocat de village aux enchères.


Une soif de Justice et de liberté des petites gens au XVIIème siècle.


12 Avril 2014 14:24

Cela se passe aujourd’hui à l’hôtel des ventes de Monte Carlo, 10-12 Quai Antoine 1er dans la Principauté de Monaco.
La vacation commence à 15 h. Le lot 9 est exceptionnel. C’est une œuvre de Pierre Brueghel le Jeune. Le peintre flamand né à Bruxelles en 1564 et décédé à Anvers en 1637 ou 1638 s’est intéressé à la vie des villageois, à leur aspiration à la Justice, à la liberté, à l’indépendance. Elle a une dimension artistique et politique.

Le lot 9 est ainsi décrit au catalogue du commissaire priseur :

L’avocat de village

Panneau
 de 53 x 84,6 cm

Signé et daté en bas à gauche BRVEGHEL 1616


Provenance : Vente Berlin, Spik, 12 décembre 1960, lot 128 (d’après Klaus Ertz)
 Vente Londres, Sotheby’s, 27 mars 1974, lot 44, repr.

Acquis par le propriétaire actuel à la galerie Leegenkoek à Paris, en octobre 1974


Bibliographie : Klaus ERTZ : Pieter Brueghel der Jüngere (1564-1637/38), die Gemälde mit kritischem Oeuvrekatalog, Lingen, 2000, T.I Cat. E492

Œuvres en rapport : Gravure datée et signée 1.6.1.8.AED Schal. 
(musée de Nüremberg, Cf. Ertz, T.I p. 494)

Gravure de Paulus FÜRST, non datée 
(musée de Nüremberg, Cf. Ertz, T.I p. 494, repr. ici)




Importante dans l’œuvre de Pieter Brueghel le jeune, cette composition révèle un artiste qui ne s’est pas contenté de faire connaître l’œuvre de son père en produisant de nouvelles versions de ses compositions.
 Témoignant de son habileté personnelle, elle contribue à sa notoriété.


Klaus Ertz reconnaît 25 Avocats de village comme autographes, 19 étant signés et datés entre 1615 et 1622.


La version que nous présentons est l’une des toutes premières : une seule est datée 1615.
 Elle est encore signée de la première signature de l’artiste (BRVEGHEL qui deviendra BREVGHEL au cours de l’année 1616) et apparaît comme l’une des plus belles.
L’avocat de village
, panneau
 de 53 x 84,6 cm,
 signé et daté en bas à gauche BRVEGHEL 1616 - Estimation : 600.000 et 800.000 € Hôtel des Ventes de Monaco.


La qualité de sa matière est remarquable.
 Cà et là apparaît un dessin sous-jacent, souvent recouvert d’un trait noir qui délimite les formes, procédé largement utilisée par l’artiste.
 Né à Bruxelles en 1564, celui-ci n’a que cinq ans à la mort de son père, Pieter Brueghel l’Ancien.
 C’est donc probablement sa mère, fille de Peter Coecke van Aelst, et peintre elle-même, qui assure sa première formation avant qu’il ne rejoigne le paysagiste Gilis van Coninxloo qui le compte parmi ses élèves.

Fils de maître, il est inscrit comme maître à la gilde Saint-Luc d’Anvers en 1584/85.

 Bien que ses œuvres aient été très appréciées de ses contemporains, Pieter le Jeune n’a jamais fait fortune et n’était pas propriétaire de sa maison.

N’ayant pas entrepris de voyage en Italie, il ne semble pas avoir quitté Anvers où il est mort en 1637/38, âgé d’environ 73 ans.


Outre son fils, Peter III, il eut parmi ses élèves le peintre d’animaux Frans Snyders et le peintre de genre Gonzales Coques.
 Il confirme ici ses qualités de coloriste.
 En habillant les murs de boiseries brunes ou de nattes rousses, il confère à cette scène d’intérieur une chaleur particulière. 
Les plis posés sur la table de l’avocat ou sur l’étagère derrière le greffier, créant deux lignes blanches, nous mènent vers la fenêtre et la lumière extérieure. 
Très vite notre regard revient sur les blancs de la chevelure, du col, de la coiffe de la femme qui se penche sur sa hotte et, enfin, sur le panier d’oeufs qu’elle passe à son mari.
 De son regard, celui-ci nous mène vers la table du procureur.
 Le premier plan est animé de plages rouges.
 Elles aussi, jouant entre elles, nous invitent à entrer dans cette scène et mènent au panier d’œufs.
Le temps s’écoule, compté par le sablier. Peut-être une échéance est-elle imminente, pointée par celui qui surveille l’almanach.
 Celui-ci est écrit en français, langue alors utilisée dans les administrations en Flandre.


L’iconographie a été reprécisée à l’occasion de l’exposition «L’entreprise Brueghel» en 2001-2002 (Cf. pp. 35-45). 
Il s’agit, non pas du paiement de la dîme comme on a pu le dire, mais d’un procureur ou avocat de village, titre qui apparaît plusieurs fois dans d’anciens inventaires anversois.
 Sous les sacs qui rassemblent les pièces d’une affaire, est assis l’avocat que les plaignants abordent avec crainte, chacun apportant de quoi payer ses services en nature : volaille, œufs, raisin, …


Gravée en sens inverse, l’œuvre illustre dès 1618 des pamphlets dénonçant les malversations et la corruption des représentants du pouvoir espagnol.


Le chapeau tenu par le paysan semble décrit par la légende de l’un de ces tracts : « Le beau-parleur prend l’argent, le beurre, les poulets et les canards et laisse souvent le paysan avec son chapeau vide dans les mains.
 Qui préfère cependant la justice à la soupe grasse donne ce qu’il doit aux nécessités de la Loi ».


La physionomie de l’avocat représenté ici, caricaturale, rappelle celle des Habsbourg alliés aux Espagnols qui détruisirent Anvers en 1585.
 Les commanditaires d’une telle œuvre avaient là un moyen imagé de manifester leur hostilité à l’occupant, ce qui explique que, même après la mort de l’artiste, la composition continue d’être reprise par son fils, Peter Brueghel III.



Pour cette œuvre exceptionnelle, l’estimation se situe entre 600.000 et 800.000 €

En sus, les frais pour lesquels les enchérisseurs se renseigneront à la maison de vente ainsi que pour l’état et pour les conditions de sortie de la Principauté.

En savoir plus

HÔTEL DES VENTES DE MONTE-CARLO
HÔTEL DES VENTES DE MONTE-CARLO, 10 - 12 QUAI ANTOINE 1ER - 98000 MONACO
Date : 12 Avril 2014

Horaire : 15h
Exposition : 
Du 5 au 11 avril, de 10h à 12h30 et de 14h30 à 19h
Pour tout renseignement, veuillez contacter la Maison de Ventes au 00 377 93 25 88 89
.

Bibliographie en rapport :

Suzanne HARLEMAN : L’avocat de village in
 [Expo. Maastricht et Bruxelles, 2001-2002]
L’entreprise Brueghel, pp. 172-185.
Klaus ERTZ : Pieter Brueghel der Jüngere (1564-1637/38), die Gemälde mit kritischem Oeuvrekatalog, Lingen, 2000, T.I pp. 487-522.

Georges MARLIER : Pierre Breughel le jeune (Bruxelles, 1969) pp. 435-440
.

Il appartient aux personnes désirant porter des enchères de vérifier l'état des lots et de prendre toutes les informations auprès du commissaire-priseur qui réalise la vente et de l'expert.
 



Mots-clés de l'article : monaco pierre brueghel vente aux enchères

Journaliste, coordinateur des articles sur l'histoire, culture et politique, ventes aux enchères. En savoir plus sur cet auteur
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