Ville de Paris ou Etat : quel projet pour le campus parisien ?

L'avenir du campus de Paris présenté dans le 4e arrondissement de Paris.


Présentation du projet "Grand Quartier Latin" de la Mairie de Paris, une alternative au "Plan Campus" de l'Etat.


La rédaction avec la participation de Souen Léger
5 Mars 2011 12:18

Le Grand Quartier Latin - Source : Ville de Paris, Apur 2010.
Lundi 28 février 2011, la Mairie de Paris présente, lors d'une conférence de presse, le projet "Grand Quartier Latin" destiné à rendre visible le campus parisien. Celle-ci est animée par Anne Hidalgo, première adjointe en charge de l’urbanisme et de l’architecture, Didier Guillot, adjoint chargé de la vie étudiante, ainsi que Jean-Louis Missika, adjoint chargé de l’innovation, de la recherche et des universités. Dans la salle, sont également présent Jérôme Coumet, maire du 13e arrondissement, Romain Lévy conseiller de Paris du 6e arrondissement et Lyne Cohen-Solal adjointe au maire et conseiller de Paris du 5e arrondissement.
Si la Ville de Paris s'empare de l'objectif de mise en valeur de la vie universitaire parisienne, elle n'est pas la seule sur ce terrain. L'Etat souhaite lui aussi agir sur le campus parisien à travers un programme appelé "Plan Campus" ou "Opération Campus".
"Grand Quartier Latin" ou "Plan Campus", deux projets pour deux visions incompatibles, ce qui risque de poser problème lors de leur mise en oeuvre. D'ores et déjà, les universités parisiennes semblent divisées sur le sujet.
En guise d’introduction, Anne Hidalgo souligne que le projet "Grand Quartier Latin" répond à une volonté politique d’affirmer l’identité de Paris en tant que ville jeune accordant une place cruciale aux étudiants.

Place Jussieu - Crédits photos : Apur / Philippe Drancourt & agence Grapheine.
L’objectif est clair : rendre visible le campus de Paris par divers aménagements urbains et des événements culturels. Sont également prévus des services numériques de localisation pour faciliter le repérage dans les quartiers universitaires, mais aussi une signalétique commune à l'ensemble des établissements installés à Paris. Si la Ville de Paris estime qu'il est de sa responsabilité d'engager ces transformations de l'espace public en vue de valoriser Paris comme ville-université, le projet "Grand Quartier Latin" ne fait pas oublier le "Plan Campus" lancé par l'Etat. L'"Opération Campus", annoncée en 2008 par Valérie Pécresse. La ministre de l’Enseignement supérieur et de la Recherche se donne pour objectif de valoriser 12 pôles universitaires aussi bien en province qu’en région parisienne et dans l’enceinte même de la capitale. Il s’agit, par des rénovations et des constructions immobilières, d’accroître le rayonnement et l’attractivité de l’université française, notamment sur le plan international.
La défiance des adjoints présents lors de la conférence à l'égard du "Plan Campus" mené par l'Etat est évidente. Ils dénoncent un plan à l'américaine aboutissant à une délocalisation des établissements d'enseignement supérieur hors les murs de la capitale. Cette présentation du Plan Campus renvoie notamment à l’une de ses composantes, le campus du plateau de Saclay, où plusieurs établissements d’enseignement supérieur doivent être déménagés (les Mines ParisTech, Telecom ParisTech, l’Ecole normale supérieure de Cachan, l’Ecole normale supérieure de Techniques Avancées, l’université Paris-Sud 11,…). Nicolas Sarkozy a d’ailleurs affiché le souhait de faire de ce campus une « Silicon Valley à la française ». Selon Jean-Louis Missika, le programme de l'Etat ne serait qu'une "annonce pour épater le bourgeois". Il y oppose le projet "Grand Quartier Latin" qui cherche à relier les quartiers universitaires au reste de la ville, et qui érige en priorité le confort et les intérêts des étudiants.

Des étudiants absents

Rue de l'école de médecine - Crédits photos : Apur / Philippe Drancourt & agence Grapheine.
La pertinence du programme de l'Hôtel de Ville est troublée par une étrangeté : l'absence des étudiants lors du processus de mise au point du cahier des charges. Interrogé, Jean-Louis Missika reconnaît que les étudiants n'ont pas été sollicités à ce jour, leur consultation devant être organisée ultérieurement par les groupes de travail des PRES (Pôles de recherche et d'enseignement supérieur), lesquels collaborent au projet "Grand Quartier Latin". On peut voir là un contre-sens pour un projet qui se veut soucieux de la population étudiante. En attendant la désignation de l'urbaniste-conseil, les principaux intéressés n'ont pas leur mot à dire dans la détermination des champs d'action du projet porté par la Mairie de Paris.
Aussi étonnante soit-elle, l'absence de consultation en amont des étudiants n'enlève rien à la spécificité du projet "Grand Quartier Latin", qui se distingue clairement du "Plan Campus" de l'Etat.
Questionnés par les journalistes présents sur l'articulation entre ces deux projets, les trois adjoints partagent le même point de vue, exprimé par Didier Guillot qui présente le projet "Grand Quartier Latin" comme une "démarche parisienne", indépendante du Plan campus étatique. Cet engagement de la Ville de Paris, loin d'être une nouveauté, s'inscrit dans la continuité de l'Histoire de la ville qui s'impose comme une capitale universitaire dès le XIIIème siècle, lorsque la Sorbonne devient une fondation. Cette tradition de mise en valeur de la vie universitaire perdure, comme en témoigne l'investissement actuel de la Ville de Paris qui a choisi de consacrer 1 milliard d'euros entre 2008 et 2014 aux universités, et plus largement à l'innovation et à la recherche.

Des universités divisées

Berges de Seine - Crédits photos : Apur / Philippe Drancourt & agence Grapheine.
La vie universitaire parisienne se trouve ainsi au centre de deux projets dont on voit difficilement comment ils pourraient coexister en harmonie tant leurs conceptions du campus parisien divergent. S’ils se rejoignent dans l’ambition de valorisation et de meilleure visibilité de la vie universitaire parisienne, c’est ici que s’arrête la ressemblance.
Tandis que le "Plan Campus" lancé par l’Etat semble faire du regard du monde sur l’université française sa priorité, le projet "Grand Quartier Latin" place les étudiants et les enseignants-chercheurs, principaux usagers de l’université, au cœur de son travail. Aussi les moyens envisagés ne sont-ils pas le mêmes : quand l’Etat planifie essentiellement des constructions immobilières, la Ville de Paris prévoit divers aménagements de l’espace public ainsi que des manifestations culturelles inspirés par le souci d’une meilleure visibilité du campus parisien aux yeux de tous – et pas seulement de l’international – mais aussi par une préoccupation de confort et de bien-être de la population étudiante.
Illustration de la difficile cohabitation de ces deux plans, la division des universités parisiennes sur le sujet. A la Sorbonne, tandis que Paris I collabore à l’Opération campus de l’Etat, Paris III et Paris IV ont décidé de participer au projet du "Grand Quartier Latin" de la Ville de Paris.

Allée des Grands Moulins - Crédits photos : Apur / Philippe Drancourt.
Les incompatibilités entre les deux projets ne semblent pas freiner l’avancée du projet mené par la Mairie de Paris, comme en témoigne le calendrier déjà fixé. La publication de l'appel d’offre est prévu sous 15 jours. Une fois choisie, l'équipe pluridisciplinaire devra rendre sa copie lors du premier trimestre 2012. Tout devrait être prêt avant les élections municipales de 2014.


Note de la rédaction : indiqués par la Ville de Paris, "les visuels sont fournis à titre d'exemple et d'illustration de la démarche et ne préjugent pas des recommandations de l'urbaniste conseil."


Lire aussi l'article : La Ville de Paris à la recherche de l'unité des Universités parisiennes.

Mots-clés de l'article : campus grand quartier latin plan campus

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