La riposte des girondins suite au réquisitoire de Robespierre
Pétion habituellement assez calme est très animé pendant son intervention :
"On prodigue des calomnies infâmes ; y répondez-vous, on ne vous écoute point, on réitère, on suit le même plan, on répète les calomnies, on espère qu’à la fin on y croira".
Marat demande en vain la parole lorsque Pétion descend de la tribune et reçoit les plus vifs témoignages d’intérêt et de satisfaction d’une grande partie de l’assemblée.
C’est de nouveau un chef girondin qui s’exprime : Guadet. Il répond aux attaques de Robespierre qui le vise personnellement puisque son nom a été jeté en pâture à la fin du réquisitoire de Maximilien dans la séance du 10 avril 1793.
Son exposé suit une trame chronologique sur les faits qu’il énonce et commente en les divisant en trois périodes, pendant l’assemblée législative jusqu’au renversement du trône, du renversement du trône à la Convention et pendant la Convention.
Il s’exprime longuement. Il revient sur la dénonciation de l’Incorruptible de l’existence d’une faction.

Leçon sur la tactique politique de calomnie
Hé bien ! Robespierre, qui de toi ou moi a travaillé ainsi ? Réponds-moi. Depuis longtemps, et vous devez vous en être aperçu, citoyens, leur tactique est d’imputer aux autres ce qu’ils ont faits eux-mêmes.
Ont-ils ordonné des pillages dans Paris, c’est vous, c’est moi, qui les avons provoqués.
Ont-ils porté le peuple à des excès plus criminels encore, c’est encore vous, c’est encore moi.
Quelques brigands répandus dans les sections de Paris prennent-ils des arrêtés subversifs des autorités nationales, c’est encore une manœuvre des factieux de la Gironde ! …
Je n’ai pas besoin de les nommer ceux qui se permettent cette tactique infâme ; vous les connaissez, citoyens, et c’est là ma plus forte preuve contre eux (...)
Nous composons une faction ! Si ce n'était là le comble de l'atrocité, ce serait le comble de la dérision (...)
Mais dans quelle tribune nous voit-on donc tâcher de propager nos principes factieux et liberticides ? Abordons-nous les tribunes de vos sociétés populaires, devenues l'arsenal de la calomnie, du pillage, du meurtre, de l'assassinat ?
Oui, vos sociétés, prenez garde que je parle des vôtres devenues, dis-je, l'arsenal de prédications, d'attentats contre la représentation nationale !
Nous voit-on, dans les sections de Paris, augmenter le nombre de ceux que vous-mêmes, lorsqu'ils vous ont rendu quelques services indiscrets, vous appelez des contre-révolutionnaires ? Non, on ne nous voit nulle part, nous vivons seuls avec nos amis.
Voudriez-vous aussi nous interdire de pareilles liaisons ? Voudriez-vous jeter dans une députation liée, ou à peu près, par les mêmes sentiments, par les mêmes principes, la division que vous jetez tous les jours dans la convention nationale? Non, vous n'y parviendrez pas ; la liberté nous réunit ; nous sommes inséparables ! (...)
Lorsque nous avons voulu la guerre la France tout entière la voulait avec nous ; Robespierre seul et son orgueil ne la voulaient pas parce qu'il ne veut jamais ce que les autres veulent. Il n'était pas même question de savoir si on la voudrait, si on ne la voudrait pas, il était question de se défendre : les armées ennemies s'étaient déjà réunies ; elles marchaient surie territoire français (...)
Avec quelle audace ne nous a-t-on pas dit : 'C'est une chaîne dont le premier anneau est à Londres, et le dernier à Paris, et cet anneau est d'or !... '
Ainsi donc vous nous accusez d'être corrompus, d'être vendus à l'Angleterre, d'avoir reçu l'or de Pitt pour trahir notre patrie ! Hé bien, où sont-ils donc ces trésors ? Venez, vous qui m'accusez, venez dans ma maison, venez-y voir ma femme et mes enfants se nourrissant du pain des pauvres ; venez-y voir l'honorable médiocrité au milieu de laquelle nous vivons ; allez dans mon département : voyez si mes minces domaines sont accrus ; voyez-moi arriver à l'assemblée ; y suis-je traîné par des coursiers superbes?
Infâme calomniateur ! Je suis corrompu ! Où sont donc mes trésors ? lnformez-vous auprès de ceux qui m'ont connu ; demandez-leur si je fus jamais accessible à la corruption ; demandez quel est le faible que j'ai opprimé, quel est l'homme puissant que je n'ai pas attaqué, quel est l'ami que j'ai trahi !
Ah ! citoyens ! pourquoi chacun de nous ne peut-il pas dérouler, si je puis m'exprimer ainsi, sa vie entière ! C'est alors que nous connaîtrions quels sont ceux qu'il faut estimer, quels sont ceux qu'il faut exécrer ; car celui qui fut toujours bon père, bon époux, bon ami, sera toujours à coup sûr bon citoyen. Les vertus publiques se composent des vertus privées, et je sens combien il faut se défier de ceux qui parlent de sans-culotterie au peuple, en même temps qu'ils affectent un faste insolent ; je sens qu'il faut se défier de ces hommes qui se disent patriotes par excellence, et qui ne pourraient pas souffrir qu'on les interrogeât sur aucune, aucune de leurs actions privées !"
Marat est décrété d'accusation
- Guadet : "C'est là, dans cette assemblée, que de criminels délégués tiennent les fils de la trame qu'ils ont ourdie avec la horde des despotes qui viennent vous égorger ! C'est là qu'il faut frapper ! Allons, républicains, levons-nous !..."
- Marat : "C'est vrai ! c'est bien !"
On demande le décret d'accusation contre Marat.
Marat le demande contre ses adversaires, contre tous les "hommes d'état".
Danton défend l'Ami du peuple : il s'étonne du bruit fait pour quelques excès qui lui semblent tout naturels ; il reproche à ses collègues de se montrer trop sensibles à des expressions exagérées, offensantes, mais qui ne doivent pas atteindre les hommes forts et sincèrement animés de l'amour de la liberté.
- Danton : "Ma tête aussi, s'écrie-t-il, a été demandée par le parti contraire ; je n'en ai pas moins marché à la république ! Sachez donc calculer la force de projection que se donne un peuple qui brise la monarchie pour arriver à la république !"
De longs et tumultueux débats s'élèvent. Les deux partis s'outragent. Ils se rejettent tous les prétendus projets de contre-révolution, toutes les conjurations.
Le calme se rétablit enfin, et l'assemblée décrète que Marat sera en état d'arrestation à l'Abbaye (4). Le comité de législation est chargé "de présenter un rapport sur le décret d'accusation".
Bibliographie :
- Débats de la Convention Nationale ou analyse complète des séances - Tome III Paris - A Bossange et Baudouin Frères - 1828
- Site : http://www.assemblee-nationale.fr
(1) Jérôme Petion de Villeneuve : Président de la Convention du 20 septembre 1792 au 04 octobre 1792. Il a été le premier à occuper ce poste. Il est girondin et est élu de l’Eure-et-Loir Ancien président de l’assemblée législative du 4 au 20 décembre 1790.
(2) Marguerite, Elie Guadet est député de la Gironde, girondin.
(3) Jean-Paul Marat est député de Paris, montagnard, créateur du journal "l’Ami du Peuple", hanté par l’idée d’exécution des traîtres.
(4) L’Abbaye est une prison parisienne à Saint Germain des Prés qui a été détruite avec le percement du Boulevard Saint Germain.
- 10 avril 1793 - 10 avril 2013 : La Révolution s’emballe il y a 220 ans.
- La Révolution s’emballe il y a 220 ans - Partie 2.
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- 7 novembre 2012 : Le procès de Louis XVI sur Paris Tribune.
- 3 décembre 2012 : Le Procès du Roi, il y a 220 ans.
- 8 décembre 2012 : Louis XVI peu avant le début de son procès.
- 10 décembre 2012 : Rapport Lindet : historique de la conduite du Roi Louis XVI avant son procès.
- 11 décembre 2012 : "Louis, le peuple français vous accuse".
- 21 janvier 2013 : Fin tragique de Louis XVI.
- Partie 1 : La Terreur sous la Révolution aurait-elle pu être évitée il y a 220 ans ?
- Partie 2 : La Terreur sous la Révolution aurait-elle pu être évitée il y a 220 ans ?
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- 24 septembre 2012 : « La République est une et indivisible » depuis 220 ans
- 22 septembre 2012 : 220e anniversaire de la naissance de la République.
- 10 août 2012 : 220e anniversaire de la chute de la Monarchie.
- 5 octobre 2011 : Qui convoite la place au métro Convention ?
- 22 juin 2011 : Le Maire de Paris ne connaît pas la rue Thiers.
- 11 juin 2011 : Une guillotine à l’Hôtel Drouot.