
Des préposés dont plus personne ne voulait
Jusqu'à leur transfert à la Ville de Paris, la Mairie de Paris finançait, via un budget spécial pour la Préfecture de police de Paris voté au conseil de Paris, les salaires et toutes les dépenses afférentes liés au stationnement payant et gênant à la Préfecture et aux "préposés au séquestre" des fourrières et des préfourrières devenus les "préposés principaux 1ère et 2e classe de la Ville de Paris" .
La Maire de Paris souhaitait initialement récupérer la compétence du stationnement payant mais pas celle du stationnement gênant, gérés tous deux par la Préfecture de police de Paris. En réponse, le Préfet de Police de Paris avait demandé à la Maire de Paris de prendre dans son giron tout le stationnement, et pas uniquement le stationnement payant, au motif que le stationnement payant et le stationnement gênant fonctionnent de pair avec les fourrières. La Ville de Paris devait donc récupérer la gestion des deux dispositifs, contrairement à ses projets initiaux.
La Mairie avait d'ailleurs communiqué sur la récupération par la Ville des "agents de la Préfecture de police de Paris" pour les affecter à la "verbalisation du stationnement" en restant vague et générale. Or, seuls les ASP, les Agents de Surveillance de Paris, verbalisent le stationnement interdit et les voitures-ventouses, et non les préposés qui travaillent dans les préfourrières et les fourrières. Le stationnement payant a quant à lui été confié aux sociétés privées Streeteo et Moovia.
C'est ainsi que les préposés ont appris, d'une part, qu'on ne voulait plus d'eux à la Préfecture de police de Paris, et d'autre part, que la Mairie de Paris ne voulait pas vraiment d'eux non plus ; et qu'ils allaient changer d'employeur, sans savoir si les emplacements des fourrières allaient changer, ni dans quelles conditions ils travailleraient à la Ville alors qu'ils avaient signé un contrat de travail avec la Préfecture de police.
Selon des observateurs, sur les 192 "préposés au séquestre" à la Préfecture de police de Paris avant le transfert à la Ville de Paris, certains ont passé des concours ou sont partis en détachement pour ne pas aller à la Mairie de Paris, "par peur", d'autres encore sont partis depuis leur atterrissage à la Ville.
Les comptages les plus récents donnent, disent les syndicats, entre 163 et 175 préposés en poste à la Ville sur les 192 préposés annoncés à la Préfecture de police. Les syndicats demandent le chiffre exact des effectifs. La Mairie de Paris promet de le communiquer avant le 11 juin 2018.
2018, une année transitoire
Paris compte actuellement neuf préfourrières et fourrières :
- 1 dans le 1er arrondissement (au Louvre-Samaritaine, une préfourrière dans le parking du Louvre),
- 2 dans le 13e arrondissement (à Chevaleret, une fourrière, et à Charlety, une préfourrière ouverte 24h/24 7jours/7),
- 1 dans le 15e arrondissement (à Balard, une préfourrière),
- 1 dans le 16e arrondissement (à Foch, une préfourrière),
- 1 dans le 17e arrondissement (à Pouchet, une préfourrière ouverte 24h/24 7 jours/7),
- 1 dans le 19e arrondissement (à Pantin, une préfourrière)
- et 2 en région parisienne (à La Courneuve (93) une fourrière, et à Bonneuil-sur-Marne (94), une fourrière en plein air spécialisée dans les deux-roues mal garés dans les vingt arrondissements de Paris, les utilitaires, et les véhicules anciens et abandonnés).
Un mouvement de grève préventif
Cette démarche est critiquée par l'exécutif et par un autre syndicat qui n'a "jamais vu une grève avant une réunion bilatérale". Mais pour la CGT ASPS (Accueil Surveillance Prévention Sécurité) qui chapeaute les préposés en attendant les prochaines élections professionnelles en décembre 2018, il vaut mieux "une grève bien suivie pour arriver avec plus de poids à la réunion du 25 mai", car"les nouveaux horaires vont être très durs", d'après un témoignage recueilli par Paris Tribune.
La Mairie de Paris veut changer les conditions de travail des préposés et, en effet, tout va changer pour eux : ceux qui ne travaillaient pas les jours fériés devront travailler les jours fériés, il faudra atteindre un nombre d'heures annuel de travail alors que la Préfecture de police de Paris donnait des congés pour les dimanches travaillés, il faudra rentrer plus tard chez soi et ne plus avoir droit aux RTT dans les mêmes conditions, ...
A la Préfecture de police de Paris, les préposés au séquestre jouissaient d'avantages que veut "casser" la Mairie de Paris, selon les dires des nouveaux préposés de la Ville. Actuellement, et comme au temps de la Préfecture de police de Paris, les équipes en préfourrière ont des tournées sur deux semaines avec les jours fériés chômés, mais pour combien de temps encore ?
- Une équipe travaille le matin en semaine, de 7h45 à 13h, puis une équipe travaille le samedi de 8h30 à 18h30 dans les préfourrrières qui ne sont pas ouvertes le dimanche, et une autre équipe travaille le dimanche de 10h30 à 20h30,
- puis la même équipe travaille la semaine suivante l'après-midi de 13h à 20h30 (la fourrière fermant à 20h30) sans travailler ni le samedi ni le dimanche la deuxième semaine.
- une équipe de 7h45 à 17h,
- et une équipe de 12h à 21h50.
La situation est différente dans les deux fourrières Pouchet (17e arr.) et Charlety (13e arr.) ouvertes 24h/24 7jours/7. Elles travaillent en brigade, chacune de façon différente :
- A Pouchet, le travail se fait en "4-4" : 4 jours de travail le matin, 4 jours de repos, 4 jours l'après-midi, 4 jours de repos.
- A Charlety, le travail est à équipe fixe : une équipe travaille la semaine le matin, une équipe travaille la semaine l'après-midi, une équipe travaille le matin tous les week-end, et une équipe travaille les après-midi tous les week-end.
- Pour le travail de nuit à Pouchet et à Charlety, les préposés enchaînent 4 nuits travaillées et 4 nuits de repos.
Une remise à plat
Ces avantages sont dans la ligne de mire de la Ville de Paris qui tente de les remettre en cause avec un argument massue : des préposés faisant plus d'heures que les autres, il faut les mettre tous, impérativement, sur un même pied d'égalité, au rythme du "5-3" le jour et du "5-2" la nuit (cf. supra).
La Mairie indique d'ailleurs avoir fait "une erreur de frappe" en indiquant sur le papier le rythme du "5-2" pour le travail de nuit, au lieu du fameux "5-3" annoncé de jour comme de nuit pour mettre tout le monde à égalité. Mais les documents écrits indiquent toujours le rythme du "5-2" pour le travail de nuit.
Il existe des fourrières où il n'y aura pas de modification d'horaires, hormis pour le temps du déjeuner qui augmente de 5 minutes, car le nombre d'heures annuel est respecté : c'est le cas à Chevaleret (13e arr.), à La Courneuve (93) ou encore à Bonneuil-sur-Marne (94), où les préposés travaillent de 8h30 à 17h10 du lundi au vendredi, sans travailler ni les week-end ni les jours fériés.
Cette connaissance du terrain incitent d'ailleurs plusieurs préposés en préfourrières à demander leur mutation dans l'une ou l'autre de ces trois fourrières pour conserver leur nombre d'heures travaillées dans l'année, sans toucher à leurs samedi, à leurs dimanches ni à leurs jours fériés.
Les grévistes appellent ainsi de leur voeu une vraie discussion avec l'exécutif parisien, d'autant plus qu'ils ne réclament "pas de hausse de salaire". Puisqu'ils repartent à zéro avec la Ville de Paris, c'est une véritable remise à plat des relations contractuelles qu'ils demandent : un règlement d'emploi, un déroulement de carrière, un changement de catégorie, la prise en charge du nettoyage des tenues de travail, ...
Au départ agents de catégorie C à la Préfecture, les préposés chefs d'équipe encadrent d'autres agents depuis qu'ils sont passés à la Ville de Paris "sous l'égide d'un catégorie B", contrairement à ce que prévoit le cadre d'emploi ; des préposés de catégorie B "encadrant 50 agents" ne bénéficient pas non plus d'une évolution decarrière en catégorie A, ...
Ils demandent aussi à la Ville, entre autres, de préciser les fiches de poste, en indiquant ce qu'ils "ont le droit de faire et de ne pas faire", ...
Parmi les autres revendications, la prise en charge du nettoyage des tenues de travail fournies par la Mairie de Paris. Les agents de la Direction de la Voirie et des Déplacements (DVD) de la Ville de Paris ont des cartes leur permettant d'aller à la laverie. Pour les agents préposés de la même DVD, rien de tout cela, ...
Pour toutes ces raisons mais pas seulement, les préposés dans les fourrières et préfourrières, travailleurs discrets mais efficaces, espèrent, en se mettant en grève, sensibiliser les agents et mieux cerner le taux d'insatisfaction dans leur profession.
En savoir plus
- Paris : grève reconductible dans les fourrières et préfourrières.
- Ville de Paris : grève reconductible en vue chez les agents de la fourrière de la Direction de la Voirie et des Déplacements.
- Anne Hidalgo et les élus de Paris interpellés sur la société Streeteo.
- Moovia et Streeteo, même combat contre les violences dues à la verbalisation.